La dengue, cette maladie ancienne, est aujourd’hui considérée comme réémergente et sa présence a été constatée dans de nombreux pays récemment.
Comme le chikungunya, elle est provoquée par des arbovirus transmis à l’homme par des moustiques-tigres du genre Aedes. Initialement présente dans les zones tropicales et subtropicales, elle a opéré une spectaculaire montée en puissance ces dernières années. Selon une récente estimation, on compterait 390 millions de cas de dengue par an dont 96 millions avec des manifestations cliniques. Diffusée par l’OMS, une autre étude sérieuse estime à 3,9 milliards le nombre de personnes exposées à l’infection par les virus de la dengue dans 128 pays à travers le monde ! Et la maladie touche désormais l’Europe : les deux premiers cas autochtones ont été recensés en 2010 à Nice. En 2012, sur l’archipel portugais de Madère, une flambée a provoqué plus de 2 000 cas, et des cas importés ont été détectés dans dix autres pays européens.
En cause une fois de plus donc : l’agaçant moustique Aedes qui a colonisé ces zones et préparé le terrain ! Aujourd’hui, ce moustique-tigre est implanté dans une trentaine de départements français, laissant craindre un réel risque de propagation au cas où des personnes infectées poseraient le pied en Métropole. En 2013, des cas étaient enregistrés en Floride et dans la province chinoise du Yunnan. Après plusieurs années d’accalmie, Singapour a aussi subi une hausse du nombre de cas, et des flambées ont aussi été signalées au Laos. Dans le même temps, la maladie sévissait dans plusieurs pays d’Amérique latine : Honduras, Costa Rica, Mexique… En 2014, les tendances indiquaient une hausse du nombre de malades en Chine, dans les îles Cook, en Malaisie, à Fidji et à Vanuatu avec le virus de type 3 (DEN 3) touchant les pays insulaires du Pacifique après une absence de dix ans ! Car pour couronner le tout, la dengue peut être provoquée par quatre arbovirus différents… et acquérir une immunité contre l’un ne protège pas des trois autres. Du coup, on peut tout à fait se faire infecter par les quatre au cours de sa vie ! La dengue a également été signalée au Japon après une absence de plus de 70 ans… Et l’année 2015 a fini d’enfoncer le clou avec des flambées épidémiques majeures dans le monde entier : Brésil (1,5 million de cas, trois fois plus qu’en 2014), Philippines (169 000 cas, + 59,5 %), Malaisie (111 000 cas, + 16 %), 15 000 cas à New Delhi (un record depuis 2006), Hawaï, Fidji, Tonga, Polynésie française, etc. Et cette tournée mondiale est loin d’être terminée. Aux dernières nouvelles, fin mai 2016, les autorités sanitaires déclaraient officiellement la Nouvelle-Calédonie en situation d’épidémie de dengue…
On l’aura compris, avec la mondialisation de l’économie et l’essor des échanges, la dengue gagne de nouvelles zones géographiques et se développe dans des zones urbaines toujours plus surpeuplées. Conséquences : des épidémies plus rapprochées, plus importantes, et avec davantage de formes graves de la maladie. Les virus de la dengue peuvent en effet provoquer une fièvre persistante avec de multiples hémorragies gastro-intestinales, cutanées et cérébrales. La baisse de tension artérielle qui s’ensuit peut conduire à un état de choc, voire au décès même si cela reste rare. Chaque année, 500 000 personnes atteintes de dengue sévère, dont une très forte proportion d’enfants, nécessitent une hospitalisation… et environ 2,5 % d’entre elles en meurent. Heureusement, dans la majorité des cas, la dengue présente une forme classique bien moins grave. Au bout de deux à sept jours d’incubation, elle démarre généralement par une forte fièvre accompagnée d’une kyrielle de symptômes : maux de tête, nausées, vomissements, douleurs articulaires et musculaires… et une éruption cutanée rappelant la
rougeole. Au bout de trois à quatre jours, une brève rémission est souvent observée… mais ce n’est parfois que le calme avant la tempête. Car ensuite les symptômes peuvent s’intensifier : hémorragies conjonctivales, saignements de nez, ecchymoses… puis la maladie régresse rapidement au bout d’une semaine. Bien que très invalidante, la dengue classique n’est donc pas aussi sévère que son homologue hémorragique. Malheureusement, que ce soit pour l’une ou l’autre de ces deux formes, il n’existe aujourd’hui pas de traitement spécifique pour les combattre…
Une bonne nouvelle toutefois : la commercialisation récente d’un vaccin contre la dengue au Brésil et au Mexique. Mais il ne constituera qu’une arme parmi d’autres pour venir à bout de cette maladie car son efficacité plafonne à 60 %.
Source : Les maladies émergentes de Jean-Philippe Braly, avec le professeur Yazdan Yazdanpanah, paru aux éditions Quæ