Accouplement des fourmis : l’amour donne des ailes !

Accouplement des fourmis : l’amour donne des ailes !

Savez-vous que seules les fourmis ailées sont porteuses de gamètes ? Qu’elles s’adonnent, par milliers, à de curieux vols nuptiaux ? Que les mâles ne font pas long feu après leurs ébats et que les femelles disposent d’une spermathèque pour stocker les spermatozoïdes ?
L’accouplement des fourmis et leurs mœurs amoureuses racontées par Luc Passera, myrmécologue* !

Dans nos régions tempérées, tout commence lors d’une belle soirée d’été chaude et sans vent, par une agitation insolite aux abords de la fourmilière. Apparaissent alors autour de l’orifice des nids, des ouvrières tirant ou poussant frénétiquement des individus ailés. Ceux-ci sont les reproducteurs de la société, c’est-à-dire des femelles et des mâles, ces derniers étant d’ailleurs bien plus petits que les femelles. Ces individus ailés ne sont pas des fourmis d’une espèce particulière comme certains le croient parfois (les « fourmis volantes »), mais tout simplement les porteurs d’ovules et de spermatozoïdes. Il arrive que ces fourmis volantes soient tellement nombreuses qu’elles perturbent les soirées barbecue et les soupers en amoureux sur les terrasses et dans les jardins, suscitant interrogation ou dégoût ! Les femelles ailées ou gynes portent les espoirs de la société qui les a élevées. L’excitation des ouvrières qui les poussent hors du nid est due à l’émission de phéromones sexuelles tantôt par les gynes tantôt par les mâles. Les phéromones vont intervenir souvent dans la vie de la fourmilière. Retenons que ce sont des substances chimiques synthétisées par des glandes et stockées dans des réservoirs qui transforment les fourmis en usines chimiques ambulantes. Libérées dans l’air ou déposées sur le sol, elles modifient au sein d’une même espèce la physiologie ou le comportement de l’individu qui les perçoit.

Mâles et gynes grimpent alors sur la végétation proche et s’élancent dans les airs pour exécuter le vol nuptial. Des milliers de sexués s’envolent ainsi, formant de véritables nuages se déplaçant au gré des vents. L’accouplement se produit dans les airs à moins que le couple finisse ses ébats amoureux au sol ou sur une herbe. Il n’y a le plus souvent accouplement qu’avec un seul mâle et il n’y aura jamais plus d’appariement. La femelle dite monandre en a terminé de sa vie sexuelle qui ne dure donc que quelques minutes. Les gynes de quelques espèces (fourmis champignonnistes, fourmis légionnaires ou, en France, Cataglyphis cursor) s’accouplent plusieurs fois. Ces femelles sont alors qualifiées de polyandres. Il semble probable que les appariements multiples induisent une diversité génétique permettant une meilleure adaptation aux variations du milieu.

Fourmis qui s'élance dans les airs pour participer au vol nuptial

Dès que le couple se dissocie, la gyne qui mérite maintenant pleinement le nom de reine, arrache au plus vite ses ailes devenues inutiles puisque la vie amoureuse est finie pour elle et qu’elle ne volera jamais plus. Les ailes sont non seulement devenues inutiles mais même embarrassantes. Leur miroitement peut attirer les prédateurs, qu’ils soient oiseaux, lézards, araignées et surtout ouvrières d’autres espèces, qui les captureront pour alimenter leur garde-manger. Les pertes des femelles pendant et après le vol nuptial sont énormes. Elles sont totales pour les mâles : qu’ils aient été comblés ou non en amour, leur destin est scellé. Incapables de se nourrir hors de la fourmilière, ils sont la proie facile et recherchée de nombreux prédateurs. Ils n’auront vécu que quelques jours. Leur rôle aura été celui d’un fabricant et d’un livreur de spermatozoïdes. Les plus chanceux, ceux qui ont trouvé une femelle, ont d’ailleurs totalement vidé leurs vésicules séminales et leurs testicules ont arrêté de fonctionner.

La reine a stocké les spermatozoïdes dans une spermathèque où les gamètes resteront immobiles mais vivants et disponibles aussi longtemps que vivra la reine, c’est-à-dire pour certaines de 20 à 30 ans. Cette spermathèque est absente chez les ouvrières, rendant inutile un accouplement que d’ailleurs elles ne recherchent pas. Il convient pour la reine d’utiliser les spermatozoïdes avec parcimonie. Chez la reine champignonniste Atta colombica, la spermathèque contient environ 244 millions de gamètes mâles qui seront utilisés pendant une dizaine d’années de manière à maintenir la population ouvrière aux alentours du million d’individus. Aussi la reine contrôle étroitement le nombre de spermatozoïdes utilisés pour chaque fécondation d’ovule : les premières années, elle ne laisse passer en moyenne que deux spermatozoïdes. La robustesse de ces derniers diminue avec l’âge mais leur pouvoir fécondant reste intact. Simplement, les muscles de la
spermathèque se détériorant avec le temps, la femelle laisse passer entre quatre et cinq spermatozoïdes par ovule quand elle vieillit.

Mais avant cela, la jeune reine cherche immédiatement une fissure dans le sol pour s’y cacher car la pression des prédateurs est forte. Non seulement elle doit s’enterrer au plus vite mais elle doit le faire à bonne distance d’une société prospère de son espèce, pour éviter une compétition qui serait fatale à sa trop jeune société. C’est dire qu’elle agrandit au plus vite toute fissure qui semble propice en utilisant pattes et mandibules et en refermant soigneusement cette première chambre derrière elle.

* Myrmécologue : spécialiste de l’étude des fourmis.

Source : Formidables fourmis ! de Luc Passera (photographies d’Alex Wild), paru aux éditions Quæ

Formidables fourmis

2 réflexions au sujet de « Accouplement des fourmis : l’amour donne des ailes ! »

  1. Bonjour,
    j’ai une question,
    lors des vols nuptiaux, y a-t-il plus de mâles que de femelles ou la proportion de représentation des sexes est elle approximativement égale ?

    merci.

  2. Bonjour, une question que je me pose depuis longtemps, est ce que les gynes et les mâles d’une même colonie peuvent s’accoupler ou doivent-ils trouver des individus d’une autre colonie pour éviter la consanguinité? (il va de soit que je parle d’une autre colonie d’une même espèce)… merci

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *