De plus en plus de consommateurs français se tournent vers les produits issus de l’agriculture biologique comme les volailles et œufs AB. Quelles sont les techniques de production associées et quels sont les freins au développement de ce type d’élevage ?
La France est le premier producteur de volailles AB en Europe. L’élevage avicole AB représente 5,7 % des poulets de chair et 5,3 % des poules pondeuses produits au niveau national. Après une stagnation de la production pendant environ 5 ans pour les volailles de chair et 10 ans pour la production d’œufs, la mise en place des élevages connaît depuis 2008 un fort développement (respectivement 17 et 16 % en 2010) qui, toutefois, ne couvre pas encore actuellement les besoins de la demande intérieure.
L’utilisation du parcours
L’utilisation du parcours est une composante majeure de la production avicole en AB ; son aménagement et sa gestion sont au centre des préoccupations des éleveurs : gestion de l’état sanitaire, des caractéristiques environnementales, de la répartition spatiale des animaux et de leur comportement, protection contre les prédateurs… Ils considèrent que le parcours est un véritable atout, notamment pour la qualité de la production. L’accès au parcours peut modifier la composition corporelle (état d’engraissement moins prononcé) ou les qualités organoleptiques de la viande, mais il est difficile de faire la part de l’effet parcours sensu stricto et de l’alimentation (nature et composition des plantes consommées sur place). La qualité des œufs dépend essentiellement de la nature de l’alimentation : jaune plus pâle (absence de complémentation en cantaxanthine dans la ration non compensée par l’apport du parcours), teneur en protéines mais aussi en cholestérol plus élevée suite à d’éventuels excès ou carences (matières azotées et matières grasses) difficiles à corriger compte tenu des contraintes du cahier des charges.
Les animaux choisis
Les modalités d’élevage en régime AB se sont largement inspirées de celles utilisées pour les volailles sous label. De même, les souches d’animaux à croissance lente, sélectionnées pour ce type de production sont bien adaptées pour les volailles AB, mais il n’existe pas encore de génotypes spécialement adaptés à la production AB pour la résistance aux pathogènes, aux troubles locomoteurs, ou aux comportements liés à l’utilisation du parcours (comportement social, comportement exploratoire). Enfin, en l’absence de poussins issus d’élevages biologiques, une dérogation permet d’utiliser des poussins conventionnels âgés de moins de 3 jours, à condition que leur soit appliquée une période de conversion d’une durée minimale de 10 semaines, ce qui interdit leur abattage avant 70 jours.
Les pratiques d’élevage
Les élevages en mode AB doivent disposer de surfaces de cultures AB pour assurer l’épandage de leurs effluents et pour produire tout ou partie de leurs aliments (l’auto-approvisionnement n’est plus obligatoire). Un des freins majeurs au développement de la production avicole biologique est la fourniture en matières premières azotées AB dans la ration des animaux, matières qui apportent les acides aminés essentiels. En élevage conventionnel, ces derniers sont fournis par des compléments alimentaires de synthèse. Le pois fourrager, la féverole, le tournesol et les mélanges céréales-protéagineux sont des alternatives possibles, mais leur composition en protéines et en acides aminés est moins bien adaptée que les sources traditionnellement utilisées en AC, et la teneur en lipides des tourteaux est plus élevée (interdiction d’extraire les matières grasses par des solvants du type hexane en AB). De ce fait, l’équilibre des rations est d’autant plus incertain que la contribution du parcours à la satisfaction des besoins nutritionnels est impossible à connaître. En définitive, la fourniture d’aliments produits et/ou achetés demeure plus coûteuse et plus difficile qu’en élevage conventionnel. Les problèmes sanitaires en élevage avicole AB sont proches de ceux rencontrés en élevage AC sur parcours. Chez le poulet de chair, ils sont dominés, en l’absence d’aliments médicamenteux, par la coccidiose.
Les solutions reposent sur des conditions hygiéniques strictes sur des vaccinations et sur des thérapies alternatives. La restriction de l’usage des médicaments allopathiques rend plus complexe la maîtrise de la santé des animaux ; en revanche, les conditions d’élevage moins intensives sont favorables à une limitation du développement de certaines pathologies, même si la pratique du parcours chez les poules pondeuses peut favoriser le développement des parasites intestinaux (ascaris) et des poux.
L’accès aux parcours et les aménagements des bâtiments permettent d’assurer aux animaux un confort et un bien-être qui améliorent leur comportement. Toutefois, si la mortalité des poulets de chair est voisine en élevage AB et AC (en plein air ou en confinement), elle est plus élevée chez les pondeuses AB qu’en plein air AC, et peut atteindre le double de celles des animaux élevés en cage. Cela s’explique par le comportement de picage et l’absence de souches sélectionnées pour l’élevage en plein air.
Dans un contexte de demande soutenue du marché, les différents freins au développement de la production de volailles AB devront être levés. C’est l’objectif des programmes de recherche AlterAvibio et Avibio mis en place respectivement en 2008 et en 2009. Le premier est piloté par l’Inra et l’Itab et le second par l’Itavi. Ces deux projets ont pour objet l’étude de la production de volailles de chair et d’œufs AB pour répondre à la fois à la demande du consommateur, à une évolution de la réglementation et aux objectifs affichés du Grenelle de l’environnement.
Visuel haut de page : ©Sophie P.
Source : Le tout bio est-il possible ? de Bernard Le Buanec, paru aux éditions Quæ