Les fortes chaleurs enregistrées dans les déserts peuvent provoquer surchauffe et déshydratation et ainsi être dangereuses pour les animaux. Pourtant, à l’instar de certaines fourmis et coléoptères, plusieurs espèces déserticoles ont développé des stratégies leur permettant de survivre dans ces conditions extrêmes.
Tolérer la surchauffe
La tolérance thermique des fourmis du désert est exceptionnelle. Cataglyphis bombina du Sahara pousse à l’extrême ses limites thermiques pour réduire la compétition avec les autres fourmis et échapper aux prédateurs. Diurne, elle exploite une étroite fenêtre thermique, juste au-dessus de la température critique du lézard prédateur, et juste en dessous de sa propre température létale. Cette fenêtre dure peu de temps : la sortie du nid s’étale sur 15 minutes. Les fourmis arrivent ainsi les premières sur des lieux où d’autres arthropodes sont morts de chaud. Les Cataglyphis peuvent prospecter avec des températures corporelles approchant 50 °C, donc des températures de 70 °C à la surface du
sol ! En laboratoire, les Ocymyrmex du désert du Namib tombent dans un coma thermique dès qu’elles passent 25 secondes dans un environnement à 55 °C, alors que les Cataglyphis ne déclarent ce symptôme qu’au bout de 10 à 25 minutes… De même, le ténébrionide saharien Adesmia metallica est actif sur des sables à 55 °C, tout en supportant des températures voisines de 0 °C la nuit !
Dissiper la chaleur
Pour dissiper la chaleur, les insectes du désert présentent des caractéristiques morphologiques spécifiques. Leur forme de corps allongée facilite l’évacuation de la chaleur par convection. La fourmi africaine Ocymyrmex barbiger du Namib, qui pèse 4 mg pour un corps de 4 mm, profite ainsi d’une grande valeur du rapport entre surface et volume du corps, très utile pour dissiper largement la chaleur et s’activer sur des sables jusqu’à 67 °C.
De nombreux animaux du désert sont de couleur pâle, ce qui réfléchit les rayons solaires et empêche le corps d’absorber la chaleur. Chez les coléoptères ténébrions, les espèces d’Onymacris sont blanches. Pourtant, d’autres espèces sont noires. Dans les conditions naturelles, les implications thermiques de la couleur du corps sont en fait modulées par d’autres facteurs, notamment l’avertissement ou le camouflage. De plus, les couleurs corporelles n’affectent que l’absorption des rayons lumineux visibles et de courte longueur d’onde. Enfin, les ténébrions déserticoles noirs maximisent leur gain thermique, pour maintenir leur activité de recherche de nourriture lors des températures fraîches de
la nuit.
Le refroidissement par évaporation ou suée fonctionne également, malgré la petite taille et les réserves d’eau limitées des insectes. La cigale du désert Diceroprocta apache, qui se nourrit de la sève des plantes du désert, a accès à une provision constante et abondante d’eau, qui s’évapore par des pores du dos pour la rafraîchir. De même, les larves de la tenthrède australienne Perga dorsalis s’arrosent l’abdomen d’un fluide rectal lorsque les températures du désert deviennent trop élevées.
Refuges, échasses et course
La troisième stratégie pour éviter la surchauffe consiste à éviter de la subir !
De nombreux insectes du désert ont une activité nocturne, hors des pics quotidiens de chaleur, pendant lesquels ils se mettent à l’abri dans un refuge, en s’enterrant dans les couches profondes du sable, comme les ténébrions fouisseurs. De même, les fourmis privilégient certaines zones de chasse moins chaudes aux heures de canicule. Dans le Namib, les Ocymyrmex s’élèvent sur de petits brins d’herbe ou de petits tas de sable où la température de l’air est plus basse. Vers midi, une élévation de 20 mm fait baisser la température de 60 °C au sol à 45 °C sur ces modestes promontoires. Dans le même registre, les insectes déserticoles ont souvent de longues pattes, qui mettent leur corps à quelque distance du substrat brûlant. À 4 mm d’altitude, soit à hauteur de patte de fourmi du désert, il fait déjà 6 à 7 °C plus « frais » qu’à la surface du sol…
La course rapide permet également de minimiser la durée d’exposition au soleil et de produire une ventilation naturelle. Chez les insectes, le guépard est un ténébrion du désert, Onymacris plana, mesuré à 4 km/h (plus de 1 m/s), devançant de peu la fourmi Cataglyphis. Le bout de leurs pattes touche ainsi à peine le sable chaud.
Isoler son corps pour mieux économiser l’eau
L’exosquelette est une protection générique des insectes contre les pertes en eau. Chez les espèces du désert, des cires cuticulaires recouvrent l’exosquelette pour limiter les pertes d’eau. De plus, chez les ténébrions, une poche d’air formée dans la cavité sous les deux élytres soudés aide à réduire la perméabilité de la cuticule.
Visuel haut de page : Dessin ©Gérald Goujon
Source : Secrets d’insectes de Christophe Bouget, paru aux Éditions Quæ.