La transition numérique pourrait donner une nouvelle impulsion aux réseaux de chaleur. Les smart-grids, ces systèmes intelligents, utilisent les données informatiques et les algorithmes sur les besoins en énergie pour mettre en synergie l’offre et la demande au cours du temps. Ces réseaux ont été identifiés comme un des cinq piliers de « la troisième révolution industrielle », promue par l’essayiste américain Jeremy Rifkin.
Ces prévisions ne pouvaient pas échapper aux villes, terres d’innovation. Elles sont de plus en plus nombreuses à plancher sur cette méthode, équivalente au « juste-à-temps » appliqué dans l’industrie automobile, à l’image de Lyon, Grenoble, Nice, ou encore Issy-les-Moulineaux, aux portes de Paris, qui a été une des premières, dès 2012, à se jeter à l’eau, en conduisant une expérimentation à l’échelle d’un quartier. Quatre ans après, 1 000 logements de 2 200 habitants, quatre immeubles de bureaux représentant 5 000 habitants, l’École de formation du barreau de Paris et ses 1 700 étudiants et l’éclairage public sont désormais reliés à l’IssyGrid. Son extension est dans les tuyaux mais déjà les habitants connectés peuvent connaître leur consommation électrique moyenne tout au long de la journée, et s’informer sur la production photovoltaïque disponible heure par heure et six heures à l’avance pour programmer des activités énergivores comme le lancement d’une machine à laver ou d’un lave-vaisselle.
Les travaux de recherche sur les modalités permettant de stocker les énergies renouvelables produites soit au niveau des quartiers, soit au niveau des bâtiments, afin de gérer les surplus et de mieux répondre aux pics de consommation, avancent d’ailleurs à pas de géant. La transformation de ces flux en hydrogène gazeux ou en méthane que l’on peut réintroduire directement dans le réseau de gaz représente une des solutions déjà appliquées. Mais l’avenir se trouve dans les piles à combustible dans lesquelles cet hydrogène peut être stocké pour être déchargé au moment où les besoins se manifestent. Une bonbonne d’un kilogramme d’hydrogène peut ainsi contenir 40 kWh d’énergie. Et si la France est en retard, en Allemagne et au Japon, 20 % de l’hydrogène produit est déjà dans le réseau électrique.
Cette révolution, qui privilégie les circuits courts pour limiter les transports d’énergie, permettrait de faire des économies substantielles en améliorant l’efficacité des réseaux et réduirait les émissions de gaz à effet de serre, sources de pollution urbaine. Des thermostats intelligents, capables de réguler la température intérieure en fonction de la présence ou non des habitants, équipent aujourd’hui de plus en plus de foyers. Le secrétariat à l’Énergie britannique estimait en 2014 que 4 % de l’énergie consommée par les habitants pourraient être économisés chaque année grâce à l’action des capteurs qui permettent de réguler la demande. Les pays industrialisés ne sont pas les seuls à cogiter sur ces technologies : les villes des pays en développement, et notamment africaines, ont déjà montré leur intérêt. Au niveau mondial, ces boîtiers intelligents sont promis à un bel avenir : la croissance a été estimée à 4,1 % par an par le site d’information et d’études sur les technologies WhaTech1. Dans nombre de pays, les gouvernements ont décidé d’accompagner ce développement. Aux États-Unis, depuis 2007, un budget de 100 millions de dollars est consacré chaque année à la création de nouveaux réseaux intelligents.
Le développement des réseaux n’est certes pas propre aux villes mais la compacité du bâti limite aussi les déperditions de chaleur notamment en raison d’une plus grande continuité des immeubles dans l’espace, diminuant de ce fait la quantité de murs « externes » soumis à la pression du vent, de la pluie ou du froid. Reste que ces avantages ne sont pas toujours confirmés par les faits car d’autres éléments que la densité entrent aussi en ligne de compte. Les centres-villes très compacts reposent essentiellement sur une succession d’immeubles anciens, pas toujours bien isolés. Résultat : ils peuvent enregistrer des performances environnementales plus limitées que des quartiers moins denses où les bâtiments neufs sont majoritaires. Les recherches montrent aussi l’importance de prendre en compte l’exposition au soleil. D’où les travaux en cours consistant à étudier les morphologies idéales que devront épouser demain les villes pour faire rythmer densité avec économies d’énergie.
1WhaTech, 2014.
Visuel mis en avant : Les lampadaires d’Amsterdam ont été améliorés pour permettre au conseil municipal d’affaiblir les lumières en l’absence de piétons. Source : Wikipedia
Source : Vivons la ville autrement de Laurence Estival, Marjorie Musy (Préface de Pascal Picq), paru aux éditions Quæ