Les Amphibiens de France colonisent des milieux très variés. Ils peuvent être très discrets ou au contraire bruyants, diurnes ou nocturnes. Cette variété de comportements fait qu’il n’existe pas une méthode d’inventaire pour l’ensemble des espèces suspectées dans une région. La réussite d’un inventaire va le plus souvent passer par la combinaison de différentes techniques permettant de détecter les Amphibiens.
Les Amphibiens de France sont des espèces protégées1. La capture des Grenouilles vertes relève des lois sur la pêche amateur. La Grenouille rousse peut faire l’objet d’autorisation de capture et/ou d’élevage par des pisciculteurs.
Pour la réalisation d’un inventaire d’Amphibiens nécessitant une capture (même pour la simple manipulation en vue de son identification), que cela soit des œufs, larves, têtards ou adultes, il faudra faire la demande officielle d’autorisation de capture à la préfecture du département concerné.
Techniques sans capture (ne nécessitant pas d’autorisation)
Détection des migrateurs
La migration de reproduction des sites terrestres aux sites aquatiques est un moment privilégié pour détecter les Amphibiens. On parcourt à petite vitesse un trajet de routes et chemins proches de sites aquatiques. Des voies migratoires importantes sont souvent révélées par de nombreux animaux écrasés.
Détection des Anoures chanteurs
Le chant des Anoures est spécifique et il permet d’identifier les différentes espèces. On choisit des points d’écoute permettant de couvrir des zones potentielles de présence d’espèces. Les chants sont diurnes et nocturnes.
Détection visuelle des Amphibiens à l’eau
L’utilisation d’une lampe de forte puissance permet de détecter de nuit des Amphibiens présents dans les sites de reproduction. On parcourt doucement le pourtour des sites aquatiques en observant les bordures et zones d’eau suffisamment transparentes.
Détection visuelle des Amphibiens au sol
Plusieurs espèces d’Amphibiens utilisent régulièrement des abris (bois, pierres, etc.), que l’on pourra inspecter avec profit (Salamandra atra, S. lanzai, Speleomantes, Pelodytes, Bufo). Les Tritons, crapelets et grenouillettes nouvellement métamorphosés se cachent souvent sous des abris proches de leur milieu aquatique.
La Salamandre tachetée et la Salamandre corse sont observables de nuit en période d’accouplement (automne, printemps) ou de migration des femelles vers les sites de dépôt des larves. La Salamandre noire et la Salamandre de Lanza sont à rechercher par les nuits estivales douces et pluvieuses (la fin de nuit semble plus propice que le début).
Utilisation de caches artificielles
Cette propension à utiliser des abris peut être mise à profit en plaçant des plaques (bois, tôles, carrés de moquette) à proximité des sites de ponte. Ce type de dispositif n’est cependant pas utilisable dans de nombreux milieux (zones protégées ou trop fréquentées) et nécessite son enlèvement après la période de l’inventaire.
Détection des œufs et des pontes
La recherche des œufs et des pontes dans les milieux aquatiques est une méthode souvent fructueuse pour révéler la présence de différentes espèces. On utilisera les caractéristiques de l’oviposition (site et technique de ponte) des différentes espèces pour rechercher leurs œufs (dans les plantes aquatiques pour les Tritons, près des berges des étangs pour les Rana, accrochés à des brindilles pour les Hyla, Bombina, Pelodytes).
Techniques avec capture (nécessitant une autorisation)
Pêche des adultes dans les sites aquatiques
La pêche à l’épuisette permet de capturer les Tritons et Grenouilles dans les milieux accessibles et relativement peu profonds (fossés, mares, étangs, bordures de rivières et lacs).
Pêche des larves et têtards dans les sites aquatiques
La durée du stade aquatique (de l’oeuf à la métamorphose) des Amphibiens est souvent beaucoup plus longue que la présence des adultes eux-mêmes dans les sites de ponte. Les larves et têtards peuvent être capturés à l’aide d’une épuisette à maille fine permettant à la fois un déplacement suffisamment rapide dans l’eau et un vide de maille assez fin pour retenir les plus petites espèces. La technique consiste à réaliser des mouvements d’épuisette par « aller et retour » d’environ 1 m à proximité des différents habitats (par exemple près des herbiers aquatiques de différentes espèces, le long des berges, etc.). Le contenu de l’épuisette est retourné dans une bassine à fond clair. Les larves et têtards sont capturés à l’aide d’une épuisette d’aquariophilie, et stockés pour détermination dans une autre bassine. Ils seront relâchés quand la pêche sera terminée.
L’utilisation de nasses (type Ortmann et ses nombreuses adaptations, à vairons si la maille est inférieure à 4 mm) est efficace pour la capture des Tritons (adultes), en particulier en début de nuit.
Utilisation de filets et seaux
La mise en place de filets et seaux en milieu terrestre permet de capturer la plupart des espèces d’Amphibiens lors de leurs migrations (aller et retour) de reproduction. C’est cependant un dispositif assez lourd (installation et surveillance), car il nécessite une présence journalière pour le ramassage des animaux capturés. Il doit plus être considéré comme un dispositif de sauvetage (pour éviter des écrasements massifs sur une route par exemple) ou d’étude d’une population particulière, plutôt qu’une technique d’inventaire.
Recommandation importante
Les Amphibiens sont exposés à des agents pathogènes qui peuvent causer des épisodes de mortalité importants. Un Ranavirus provoque de fortes mortalités de la Grenouille rousse dans les Alpes du Sud-Est. Un Champignon parasite (Batrachochytrium dendrobatidis) présente des lignées de virulence variable et provoque des mortalités d’Alyte accoucheur dans des lacs des Pyrénées. Une autre espèce de Champignon parasite (B. salamandrivorans) touche les Urodèles en Belgique et aux Pays-Bas. Cette espèce trouve son origine en Asie, et a été introduite en Europe via l’importation d’Urodèles d’Asie porteurs sains de ce Champignon. Les activités humaines sont très souvent impliquées dans la propagation d’agents pathogènes. Il est donc impératif de mettre en place des mesures d’hygiène lorsqu’on prévoit un inventaire d’Amphibiens dans le milieu naturel.
Des mesures simples doivent être mises en oeuvre :
– si l’inventaire est réalisé sur des sites où la présence d’agent pathogène est suspectée (observation de mortalités d’Amphibiens, présence d’espèces exotiques, etc.) ou avérée, il est impératif d’appliquer rigoureusement le protocole d’hygiène ;
– si plusieurs sites aquatiques doivent être visités au cours d’une même campagne de terrain, désinfecter le matériel entre chaque site. En cas de prospections dans des sites aquatiques proches (archipel de mares, marais, rivière, etc.) dans une même région, le matériel sera désinfecté par exemple à l’issu d’une demi-journée de terrain. En cas de prospection entre des régions distantes (changement de bassin versant, etc.), le matériel devra être désinfecté au moment où les opérateurs de terrain quittent la région ;
– lors d’interventions sur une pièce d’eau importante (marais, rivière, grand lac, etc.), il faut désinfecter régulièrement le matériel ;
– avant toute sortie sur le terrain, il est indispensable de s’assurer que l’ensemble du matériel qui va être utilisé (bottes, waders, épuisette, etc.) a été correctement désinfecté. En cas de doute, désinfectez-le ;
– la désinfection se fait par le nettoyage du matériel utilisé (pantalons de pêche, épuisettes, nasses, bacs de contention) avec un produit désinfectant (trempage, brossage et séchage). Le stockage et le transport du matériel doivent se faire dans des caisses propres et régulièrement désinfectées ;
– plusieurs produits désinfectants efficaces (alcool à 70 %, eau de javel) sont facilement accessibles. Pour des raisons d’efficacité sur la plupart des agents infectieux (bactéries, virus et champignons) et de respect de l’environnement, nous recommandons l’utilisation de produits comme le Virkon® ou le F10®. Le rejet de ces produits désinfectants dans l’environnement doit être limité ;
– en cas de manipulation d’Amphibiens, il est recommandé d’utiliser des gants jetables. Dans la mesure du possible, les individus capturés doivent
être maintenus (« un sac = un Amphibien ») dans des sacs en plastique à fermeture zip, boîtes en plastique, etc., afin de limiter les contacts et les risques de contamination croisée entre individus.
1 Arrêté du 19 novembre 2007 fixant les listes des Amphibiens et des Reptiles protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection.
Visuel haut de page : Matériel nécessaire pour un inventaire d’Amphibiens. ©Jean Muratet