De tout temps, les humains ont chassé les oiseaux pour les manger et, aujourd’hui encore, pour de nombreux peuples premiers, la chasse reste le principal apport en protéines carnées.
Le pigeon biset Columba livia, ancêtre de notre pigeon des villes, était régulièrement consommé par les Néandertaliens, comme l’a révélé une séquence de plus de 35 000 ans de présence humaine dans la célèbre Gorham’s cave du rocher de Gibraltar. Abondants sur ce rocher, les jeunes pigeons et leurs œufs étaient facilement accessibles et les humains n’avaient qu’à sortir de leur grotte pour se servir.
À côté des pigeons, ils chassaient bien d’autres espèces d’oiseaux, comme en attestent plus de 192 sites répartis sur la totalité de leur aire de distribution. Pas moins de 150 espèces d’oiseaux ont été recensées comme ayant été capturées et consommées par les Néandertaliens (Blasco et al., 2016). À ces époques reculées, on chassait régulièrement les grands rapaces, aigles, vautours, pygargues, mais aussi beaucoup de corvidés comme le chocard Pyrrhocorax graculus, le crave P. pyrrhocorax ou le grand corbeau Corvus corax. Vautours et corvidés sont des oiseaux charognards, exclusivement pour les premiers, partiellement pour les seconds, et la fréquence de leurs ossements dans les sites néandertaliens n’est pas due au hasard, car s’il est possible que des plumes et certains fragments d’os aient été collectés sur des animaux trouvés morts, la cause la plus probable de cette association homme-oiseau est l’intérêt alimentaire qu’y trouvaient les humains.
Corvidés
L’archéologie révèle que les corvidés comme le chocard, le crave et le grand corbeau étaient régulièrement consommés par les hommes préhistoriques. © Jean-François Desmet
Ces restes étaient sans doute collectés sur des animaux fraîchement tués dont la capture ne nécessitait pas de technique particulière. Il suffisait de ménager des charniers, au besoin de profiter de la carcasse d’un grand mammifère non totalement consommée et trop lourde à déplacer, pour que des concentrations de vautours se fassent spontanément. Les chasseurs laissaient les vautours se gaver de viande, comme ils peuvent le faire au cours de véritables orgies quand l’occasion se présente, au point de ne même plus pouvoir s’envoler quand on les approche. Les oiseaux devenaient alors des proies faciles pour les humains qui n’avaient qu’à les cueillir à la main, une technique toujours vérifiable aujourd’hui.
Aucun matériel archéologique destiné à la capture des oiseaux n’a pu être identifié à ce jour dans les sites néandertaliens. Toutefois, on peut imaginer une sorte de relation mutualiste entre humains et grands rapaces charognards si les uns et les autres tirent un bénéfice réciproque de la découverte d’une carcasse, voire des restes de nourriture non exploités par l’homme (Finlayson et al., 2012). La capture à la main des grands oiseaux de proie est une pratique courante, comme le rapportent les ethnologues dans de nombreuses régions. Aujourd’hui encore les nomades Kazakh de Mongolie attrapent les aigles royaux Aquila chrysaetos au bal-chatri, piège appâté d’un oiseau ou d’un micromammifère vivant et muni de fils pourvus de nœuds coulants dans lesquels le rapace se prend les pattes. Le piège est posé sur un tas de cailloux à proximité d’une carcasse servant d’appât. Les Indiens d’Amérique aussi attrapaient les aigles dans des trappes disposées à leur intention.
Visuel haut de page : Lagopède alpin – Certains sites préhistoriques ont révélé la présence de nombreux ossements de lagopède alpin dans les reliefs de repas humains ©Jean-François Desmet
Source : Des oiseaux et des hommes de Jacques Blondel et Jean-François Desmet, paru aux éditions Quæ
