Le phénomène migratoire est sans conteste l’un des phénomènes ornithologiques les plus fascinants. Quels sont les moyens adoptés par les oiseaux pour migrer ?
Grâce au vol, la migration est peu coûteuse par rapport aux autres modes de transport (terrestre ou aquatique), elle est également nettement plus rapide. Le vol permet aussi de passer les reliefs sans changer fondamentalement de trajectoire et, mieux encore, de traverser des zones totalement inhospitalières comme les mers et les déserts. La distance maximale théorique que peut parcourir une espèce augmente avec sa masse. Pour réaliser ces exploits, les grands migrateurs bénéficient de différentes adaptations morphologiques : les grandes espèces comme les cigognes ou les rapaces disposent ainsi d’une grande surface alaire permettant le vol plané et l’utilisation des thermiques, ces vents ascendants bien connus des parapentistes qui permettent de prendre de la hauteur avant de se laisser « glisser » vers un autre thermique dans la direction désirée.
Le revers de la médaille est que ces espèces ne peuvent voler que de jour et encore, seulement lorsque les températures sont suffisantes. En outre, les étendues marines, très peu propices aux thermiques, constituent des obstacles majeurs : les vautours qui veulent traverser les quatorze kilomètres qui séparent Gibraltar, à l’extrême sud de l’Espagne, des côtes marocaines doivent parfois attendre des jours, voire des semaines, que les conditions météorologiques leur permettent enfin de prendre suffisamment de hauteur pour se laisser glisser jusqu’en Afrique.
D’autres planeurs comme les grues ne s’empêchent pas de migrer également de nuit ou même quand les conditions météorologiques leur imposent de battre continûment des ailes, mais c’est alors au prix de dépenses énergétiques bien plus importantes. Pour les espèces plus petites, la migration a lieu de jour comme de nuit. La migration nocturne permet d’alterner des trajets la nuit avec des phases diurnes au sol pour s’alimenter et refaire des réserves énergétiques. Le vol nocturne permet aussi de bénéficier de températures fraîches compensant la surchauffe qu’entraînent les battements continus des ailes. Les migrateurs peuvent également ajuster l’altitude de vol pour bénéficier de cet effet de refroidissement. En moyenne, l’altitude de vol se situe aux alentours de 1,5 km du sol. L’oie à tête barrée qui niche en Sibérie et hiverne en Inde survole chaque année les plus hauts sommets himalayens à plus de 8 000 m. Ces éléments indiquent que les oiseaux sont peu sensibles au manque d’oxygène, ce que les médecins appellent l’hypoxie. De mauvaises conditions climatiques contraignent parfois les oiseaux à voler plus bas, voire à interrompre momentanément leur chemin le temps que celles-ci s’améliorent. Il n’est pas rare de voir nombre de passereaux au pied des Pyrénées, piégés par quelque perturbation pluvieuse. Ces observations ont conduit à l’idée erronée que les oiseaux migraient de préférence dans des conditions ventées et pluvieuses !
Si les haltes en cours de migration peuvent permettre de reconstituer les réserves énergétiques nécessaires à la poursuite du voyage, certains obstacles comme les grands reliefs ou les mers imposent un trajet d’une seule traite et donc de disposer des réserves suffisantes pour ce vol à haut risque.
Visuel haut de page : Des vautours ont été percutés par des avions de ligne à plus de 10 km d’altitude, preuve de leur capacité à supporter le manque d’oxygène. – © Régis Cavignaux – Biosphoto
Source : Oiseaux, sentinelles de la nature de Frédéric Archaux, paru aux éditions Quæ