En 2020, la Covid-19 a mis sur le devant de la scène les zoonoses, ces maladies dues à des agents pathogènes (micro-organismes comme les bactéries ou les virus, ou parasites comme les vers) qui se transmettent naturellement entre les humains et les autres animaux.
Les zoonoses sont dues à des agents pathogènes transmis entre les humains et les animaux. Il peut s’agir de micro-organismes invisibles à l’œil nu (les bactéries, les virus, les champignons microscopiques, les prostistes protozoaires, les prions) ou de parasites de plus grande taille (tels que des vers helminthes ou des arthropodes parasites). Nous parlons d’« agents pathogènes », mais il serait plus correct de les nommer « agents potentiellement pathogènes ». Ces agents ne seront pathogènes que dans certaines conditions, chez certaines espèces et chez certains individus. C’est l’interaction entre l’agent et l’hôte, c’est-à-dire l’individu infecté, qui induit la pathogénicité.
En effet, les micro-organismes font partie de notre environnement et sont présents dans nos corps. L’immense majorité des micro-organismes ne rendent pas malade, bien au contraire, ils jouent des rôles indispensables au bon fonctionnement de notre organisme. C’est le cas des micro-organismes dits « symbiotiques » ou « commensaux », qui constituent notre flore normale, ou microbiote, de l’intestin ou de la peau par exemple. Depuis les années 2000, les chercheurs ont toutefois identifié quelques espèces animales, notamment des arthropodes possédant peu ou pas de microbiote. Chez les humains, on compte 1012 micro-organismes abrités par le tube digestif, soit deux à dix fois plus que le nombre de cellules constituant le corps, qui jouent un rôle dans la digestion et l’immunité. Le corps d’un humain sain adulte abrite aussi plus de trois mille milliards de virus, pour la plupart des bactériophages qui infectent les bactéries dans le tractus intestinal et les muqueuses. Notre génome héberge aussi des endovirus, ou rétrovirus endogènes, incorporés dans notre ADN depuis plus de 30 millions d’années. Leurs séquences représenteraient 8 % de notre génome. Ils sont en général non pathogènes pour l’humain et certaines séquences seraient même bénéfiques. C’est le cas du virus HERV-W, qui participe à des mécanismes physiologiques et assure la formation du placenta.
Dans une étude publiée en 2001, Louise Taylor et ses collaborateurs ont estimé qu’un tiers des agents pathogènes zoonotiques chez les humains seraient des bactéries. Les bactéries sont des êtres vivants composés d’une seule cellule (unicellulaires) dont la taille est de l’ordre du micromètre (μm), c’est-à-dire un millième de millimètre. Elles contiennent un chromosome constitué d’ADN non isolé dans un noyau et sont entourées d’une paroi caractéristique. Sauf exception, ce sont des organismes autonomes qui se multiplient par division, à une vitesse parfois très rapide, de l’ordre d’une division toutes les 30 minutes. Les bactéries sont présentes partout dans l’environnement, et seule une petite partie
d’entre elles sont pathogènes, comme les agents de la tuberculose. Elles sont normalement sensibles aux antibiotiques.
Un tiers des agents pathogènes zoonotiques chez l’humain seraient par ailleurs des vers, ou helminthes. Ce sont des vers ronds (nématodes comme les trichines) ou plats (cestodes comme les ténias et trématodes comme les schistosomes) généralement visibles à l’œil nu sous leur forme adulte. Ils sont essentiellement parasites de l’appareil digestif, du sang et de divers tissus. Ils ont parfois des cycles de transmission complexes faisant intervenir des hôtes d’espèces variées. Ils sont traités à l’aide de molécules antihelminthiques (on parle de vermifuges dans le cas particulier des vers gastro-intestinaux).
Selon les cas, les humains « jouent » le rôle d’hôtes définitifs, c’est-à-dire qu’ils hébergent les adultes reproducteurs, d’hôtes intermédiaires en hébergeant les larves, et parfois d’hôtes « culs-de-sac épidémiologiques », car ils ne permettent pas de transmission ultérieure.
Les virus représenteraient un agent pathogène zoonotique sur six. De très petite taille (inférieure à 0,1 μm), ils sont constitués d’acides nucléiques, ces macromolécules porteuses d’information génétique (ADN ou ARN), entourés d’une capside formée de protéines et, pour certains virus dits « enveloppés », d’une enveloppe lipidique. Ce sont des parasites obligatoires qui ont besoin pour se multiplier d’infecter une cellule et donc perturbent généralement le fonctionnement normal de l’hôte. Le virus de la rage est un exemple de virus zoonotique emblématique. Des molécules antivirales peuvent parfois être utilisées pour bloquer leur cycle de réplication, mais la prévention des infections repose surtout sur le blocage des chaînes de transmission et la vaccination quand elle existe.
Les champignons microscopiques représenteraient un agent pathogène zoonotique sur dix chez l’humain. Ils sont caractérisés, comme les autres champignons, par l’existence d’une paroi et par la possibilité de se disséminer sous la forme de spores. Ils se développent sur la matière organique en décomposition, vivent en symbiose avec d’autres organismes ou font partie de la flore digestive, cutanée ou génitale des animaux et des humains.
Certains peuvent être pathogènes, comme la teigne ou l’aspergillose, en particulier chez des individus immunodéprimés, chez lesquels ils provoquent des mycoses au niveau de la peau, des muqueuses ou de certains organes. Les molécules utilisées pour lutter contre les champignons sont appelées « antifongiques ».
Les protozoaires représenteraient environ 5 % des agents zoonotiques. Ce sont des organismes unicellulaires complexes qui, contrairement aux bactéries, possèdent un noyau contenant des molécules d’ADN portées par des chromosomes. Leur taille varie entre un micromètre et un millimètre. Ils sont présents dans les sols et les milieux aquatiques, et seule une petite proportion d’entre eux est pathogène pour les humains ou les animaux. Certains sont des parasites stricts. Comme leur métabolisme est proche de celui des vertébrés, les molécules auxquelles ils sont sensibles sont également néfastes pour leurs hôtes ; l’arsenal de drogues efficaces contre les protozoaires est donc limité. On peut citer la toxoplasmose, la leishmaniose transmise par des petits diptères hématophages appelés « phlébotomes », la maladie du sommeil (trypanosomiase africaine) transmise par les mouches tsé-tsé (ou glossines), et la maladie de Chagas (trypanosomiase américaine) transmise par des punaises appelées « réduves ». Le paludisme est également dû à un protozoaire ; il serait d’origine zoonotique, mais ne se transmet plus aujourd’hui des animaux aux humains, à l’exception du paludisme à Plasmodium knowlesi et P. cynomolgi en Asie du Sud-Est.
Les arthropodes parasites sont essentiellement des insectes et des acariens qui parasitent la peau (parasites externes ou ectoparasites). Ils occasionnent parfois une simple nuisance, mais peuvent aussi provoquer des démangeaisons intenses et entraîner des lésions importantes avec retentissement sur l’état général. Certains, tels que les moustiques et les tiques, jouent en plus le rôle de vecteurs pour des virus, des bactéries et des protozoaires pathogènes. Les substances utilisées pour la lutte contre les arthropodes parasites sont les insecticides et les acaricides.
Les prions sont des protéines dont la conformation ou le repliement est anormal. Elles sont exprimées essentiellement dans le cerveau et la moelle épinière des mammifères adultes. À la différence des virus, bactéries et parasites, le support de leur information infectieuse n’est pas représenté par les acides nucléiques (ADN, ARN). La conformation spatiale anormale, d’une part, les rend insensibles aux enzymes de dégradation et, d’autre part, se transmet aux protéines encore normales, régulièrement synthétisées. Sous l’accumulation des protéines prions, le tissu nerveux prend alors l’apparence d’une éponge. C’est pourquoi les maladies neurodégénératives du système nerveux central chez les humains et les autres mammifères sont appelées « encéphalopathies spongiformes transmissibles ». Les prions sont extrêmement résistants aux procédés classiques d’inactivation et de désinfection, et il n’existe à l’heure actuelle aucun traitement contre ces maladies. La seule zoonose à prions décrite à ce jour est l’encéphalopathie spongiforme bovine. Les autres sont des maladies à prions propres aux humains (syndrome de Gerstmann-Sträussler Scheinker, ou bien encore le kuru) ou propres à d’autres espèces de mammifères (par exemple la tremblante du mouton).
Source : Les zoonoses de Gwenaël Vourc’h, François Moutou, Serge Morand, Elsa Jourdain, paru aux éditions Quæ