Nos déchets en disent long sur nous et notre mode de vie. Ils constituent une véritable mine d’informations pour les espions mais aussi pour les scientifiques
Une analyse fine des déchets d’un groupe humain (une famille, un quartier, une ville) permet de comprendre son comportement, ses activités, ses pratiques, son niveau économique, culturel et social. C’est en fait une idée ancienne dans son principe, déjà utilisée par les agents du fisc pour débusquer des fraudeurs dont le train de vie ne correspond pas aux déclarations de revenus ! Les espions de tout poil savent aussi depuis longtemps que fouiller le contenu des poubelles peut permettre de récolter des informations très précieuses. Les méthodes développées par les chercheurs ? Les mêmes que celles des espions et des détectives : emporter les poubelles dans un laboratoire et tout sortir, tout peser, tout trier, tout classer, tout enregistrer. En comparant ce qu’ils trouvent effectivement dans les poubelles et ce que les habitants déclarent avoir jeté, les chercheurs découvrent des écarts considérables : volontairement ou involontairement, on cherche souvent à cacher la réalité de sa consommation, de son mode de vie. Les déchets eux, ne mentent jamais… ils nous trahissent toujours.
Mais ce n’est pas tout. Jean Gouhier et William Rathje ont démontré que le travail de détective des rudologues ne permet pas que de s’immiscer dans les vies privées, il est avant tout un moyen scientifique extrêmement efficace pour définir une société, pour la décrire encore plus fidèlement que par les indicateurs socio-économiques classiques. Un de leurs successeurs, Gérard Bertolini, directeur de recherche au CNRS, compare l’analyse des déchets selon les méthodes de la rudologie à l’analyse ADN : une véritable carte d’identité, en négatif, de nos quartiers, de nos collectivités, de nos territoires et de leurs structures, de leurs strates sociales, et de l’évolution des comportements.