Depuis quelques années, des bataillons de chercheurs, de professionnels, d’élus auscultent les avantages de l’agriculture urbaine sous toutes les coutures.
Le phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur, et aucune ville n’a l’intention de laisser passer le train. Barcelone est une des premières à être montées dans le wagon. En 1998, un immense parc de 3 000 hectares a vu le jour près de l’aéroport pour accueillir plusieurs centaines de petits producteurs dont les produits sont vendus aux habitants de l’agglomération. À Paris, 100 projets sont dans les starting blocks. Une grande partie d’entre eux s’inscrivent dans le cadre du plan « 100 hectares » lancé en 2016 par la municipalité qui fixe ainsi l’objectif à atteindre pour les toits, façades et murs végétalisés1. Un tiers devra accueillir des cultures de fruits et de légumes. À terme, ce sont 500 tonnes de produits comestibles qui sortiront de ces nouvelles fermes urbaines. 16 arrondissements sur 20 se sont déjà retroussé les manches. Les pieds de tomates et rangées de salades vont bientôt élire domicile sur le toit de l’Opéra Bastille. Ils seront rejoints par une houblonnière qui produira plusieurs centaines d’hectolitres de bière par an. Mais il n’y a pas que les lieux prestigieux qui sont mis à contribution : dans le 12e arrondissement, une ferme va ouvrir prochainement au-dessus d’une blanchisserie, alimentée par la chaleur des machines.
Des premières réalisations ont déjà montré la faisabilité de ces projets. À quelques pas de la tour Eiffel, un potager a été installé à Paris sur le toit de l’hôtel Pullman : abeilles, tomates, plantes aromatiques et poules se partagent déjà les 1 200 m2 disponibles pour agrémenter les plats du restaurant. À l’étranger aussi, l’heure est aux premiers bilans : en 2010, la Brooklyn Grange Rooftop Farm a investi le toit d’un immeuble new-yorkais. La trentaine de tonnes de légumes cultivée par an est vendue aux restaurateurs de la ville ou aux citadins eux-mêmes invités le week-end à faire leur marché tout en admirant depuis cet observatoire hors-pair la forêt de gratte-ciels. Pour améliorer les rendements de ces productions qui ne bénéficient encore qu’à une poignée de happy-few, la ferme Luffa, à Montréal a réussi la prouesse d’installer une serre de 2 880 m2 sur le toit d’un immeuble commercial. 70 tonnes de denrées alimentaires ont ainsi pu être générées, permettant de répondre aux besoins de 2 000 familles. Pas étonnant si des projets similaires pourraient rapidement voir le jour à Paris mais aussi à Romainville, aux portes de la capitale. Face aux inquiétudes sur la qualité sanitaire des aliments cultivés sur les toits, sous les nuages dus à la pollution, les premières recherches conduites par l’Inra en partenariat avec le laboratoire de Chimie analytique de ParisAgriTech ont montré que les teneurs en cadmium et en plomb des tomates et salades étaient inférieures aux normes en vigueur. Principale raison : la distance entre les cultures et la circulation, l’air dans les cieux étant moins pollué qu’au niveau de la chaussée.
1 Les grandes lignes de ce plan sont consultables sur https://www.paris.fr/duvertpresdechezmoi.
Source : Vivons la ville autrement de Laurence Estival, Marjorie Musy (Préface de Pascal Picq), paru aux éditions Quæ