Carnivores sauvages, des concurrents pour l’homme?

Le loup, l’ours brun et le lynx d’Eurasie, bien répartis dans plusieurs régions d’Europe, sillonnent les habitats à faible densité humaine : les zones forestières de grandes étendues et les zones montagneuses. À ces trois espèces prédatrices s’ajoute la présence de carnivores qui revêtent une moindre importance sur la prédation de la grande faune forestière : le renard, le chat sauvage, le lynx paradelle – présent dans quelques poches isolées en Espagne – le glouton – restreint à la Finlande et la Suède – les Mustélidés. Les trois grands prédateurs nécessitent des territoires très vastes pour vivre, se reproduire et s’alimenter. Leurs domaines vitaux varient de 100 à 1 000 km2 selon la densité de la population, la répartition humaine et la configuration de l’espace. Leurs effectifs restent limités.

La majorité des pays de l’Union européenne considèrent ces animaux comme menacés. Le problème est double. Il se pose, d’une part, au niveau de l’utilisation de l’espace. Leur habitat se rétrécit au profit d’autres usages de la forêt : exploitation forestière, urbanisation, activités sportives, activités liées à la neige. Les espaces suffisamment vastes pour accueillir ces animaux s’amenuisent au fil du temps. D’autre part, le problème se pose au niveau des persécutions dues à l’homme, malgré une évolution sensible des mentalités.

Ceci constitue un défi pour conserver ces espèces dans des espaces aussi peuplés que l’Union européenne. Certes, dans le cadre de Natura 2000, la Commission européenne finance l’établissement de lignes directrices au niveau des plans de gestion. Des études sur l’acceptation des carnivores sauvages à proximité de l’homme montrent, pour les pays scandinaves, une évolution variable quant à leur présence. Chaque fois qu’un cas de prédation sur la faune domestique est mentionné dans la presse, le taux d’opinion favorable diminue. De plus, le citadin accepte beaucoup plus facilement le rôle des carnivores que le rural. Ce dernier doit vivre avec l’animal, surtout ceux utilisant la nature. La présence de l’ours dans les vallées d’Aspe et d’Ossau dans les Pyrénées oppose les protecteurs aux utilisateurs du terroir rural. Il en est de même avec l’apparition naturelle ou artificielle du loup dans le Mercantour, au Tyrol, en Bavière, en Hesse ou en Saxe. L’introduction du lynx dans le Jura, les Vosges, le Harz pose nettement moins de problèmes aux utilisateurs de la nature, bien que des conflits existent.

La réussite de la présence des prédateurs à proximité de l’homme est fonction d’un travail des autorités. Le problème ne vient pas du comportement des animaux mais du mode de vie et de la conception de l’homme vis-à-vis de l’animal. Ainsi, en Slovaquie, le loup subit une intense chasse mais commet peu de dommages. En revanche, l’ours cause beaucoup plus de dommages mais il est bien accepté. En Scandinavie, il existe une relation étroite entre l’acceptation de l’ours et le paiement des indemnisations. Le retour des grands prédateurs dans les pays peuplés est réaliste mais pour ce faire les autorités doivent établir un plan d’aménagement national de la faune dans le concept de l’Union européenne.

Vu les difficultés d’approche, l’étude des carnivores sauvages se pratique souvent par l’analyse des excréments. À cette occasion on constate une différence de la qualité de la nourriture prélevée entre les Félidés et les Canidés. Cette différence s’explique par l’anatomie des animaux. Le lynx utilise ses griffes pour fixer la proie au moment du prélèvement de sa nourriture. Il prend les meilleurs morceaux notamment les muscles. Il délaisse le squelette, l’extrémité des membres et la tête.

Les Canidés, en revanche, ne sont pas capables de séparer les différentes parties du corps de leurs proies comme le lynx ou le puma. Ils ingèrent avec la viande, une grande quantité de matière peu digestible : pattes, peau, tête et squelette. Pour le bilan énergétique, le prélèvement de muscles apporte davantage d’énergie par unité de volume consommé.

Source: La faune des forêts et l’homme de Roger Fichant, paru aux éditions Quæ

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