Comme pour la cuisson du pain, les composés aromatiques et les composés colorés sont produits par la chaleur. Ils résultent de réactions chimiques complexes connues sous le nom générique de réaction de Maillard. Le malt, âme de la bière, lui donne toute une palette de couleurs : blanche, blonde, ambrée, brune, noire.
Le malt, âme de la bière
La couleur provient en grande partie des malts utilisés dans la préparation de la bière. La durée et la température, lors du touraillage de malt, sont responsables des couleurs variées des bières (de blanche à noire). Le touraillage correspond à l’étape finale de la malterie. Le mot a la même racine que torréfaction. Après la germination de l’orge, le malt vert est séché. L’humidité du grain va passer de 44 % à 4 % en 24 heures à 48 heures, sous l’effet d’un courant d’air chaud. En fonction de la température et de la durée, le malt va se colorer.
Le touraillage définit le futur caractère de la bière : à 70 °C, on obtient un malt pâle, utilisé pour brasser des bières blondes. Au-delà de cette température, les grains se colorent progressivement, jusqu’à obtenir une belle couleur brune. Ces malts, utilisés en petite quantité avec le malt pâle, donnent des bières plus ou moins colorées, ambrées ou brunes, à l’arôme et au goût différents. Lors de ce touraillage, les mécanismes de la réaction de Maillard ont lieu, c’est-à-dire une réaction de brunissement non enzymatique responsable de l’arôme et de la couleur caractéristique. Après le touraillage, les radicelles flétries par la chaleur sont enlevées et le malt prend le chemin de la brasserie.
Chimie et biochimie de la couleur
Dans le secteur agroalimentaire, deux types de réactions chimiques génèrent de la couleur : les réactions d’oxydation et les réactions dites de Maillard.
Les réactions de Maillard
Louis-Camille Maillard, médecin d’origine lorraine, en poste à Alger, fut le premier en 1902 à expliciter la réaction qui porte son nom. Elle est bien connue des chimistes, des cuisiniers et des brasseurs.
L’oxygène n’intervient pas et les enzymes non plus. Il s’agit d’une réaction chimique pure qui explique l’arôme et la couleur aussi bien du pain que du rôti. Sous l’effet de la chaleur, des composés d’origine glucidique vont se combiner à des composés d’origine protidique. Les réactions sont multiples et complexes. Les produits formés sont plus ou moins colorés, plus ou moins aromatiques, en fonction de la température et du couple temps-température. Toutes les nuances du jaune au brun, brun foncé, noir pourront être obtenues lors du touraillage du malt. On parle de prémélanoïdines, de mélanoïdines. Le mot évoque la mélanine, pigment noir de la peau qui protège des radiations ultraviolettes. Parallèlement, les molécules odorantes sont produites. Ainsi, le malt aura une couleur plus ou moins foncée et une odeur de biscuit plus ou moins cuit. Le malt brun, noir même, a servi comme produit de substitution du café.
Les réactions d’oxydation
L’oxygène indispensable à la vie pour alimenter la respiration est considéré dans les industries agroalimentaires comme l’ennemi numéro un. Très réactif, il va induire des modifications souvent néfastes, aussi bien au cours de la fabrication qu’au cours du stockage de la bière. Les réactions d’oxydation peuvent être purement chimiques ou catalysées par des enzymes des oxydases. Une réaction de brunissement bien connue illustre le brunissement enzymatique. Lorsque l’on coupe une pomme, l’oxygène de l’air se combine avec des composés de la pomme sous l’action d’une enzyme baptisée polyphénol oxydase pour donner de la couleur. En brasserie, la réaction est purement chimique. Au cours de l’ébullition du moût lors du houblonnage, les enzymes sont détruites par la chaleur, mais l’oxygène de l’air peut occasionner des phénomènes d’oxydation générant de la couleur. Aussi, le brasseur sera très vigilant pour éviter les courants d’air dans la chaudière.
L’appréciation de la couleur
La lumière idéale pour juger la véritable couleur d’une bière est celle du jour. Il est également préférable de l’observer sur un fond blanc pour porter attention à la couleur elle-même ainsi qu’à ses reflets. Ces derniers donnent une nuance unique, une teinte additionnelle, qui contribue à l’originalité de chaque bière. La couleur peut varier de blanche très pâle à noire très foncée :
— le jaune a différentes nuances, blond, doré, jaune clair, jaune foncé, jaune franc, laiteux ;
— la couleur brune est un composite de rouge et de jaune. Il comporte des reflets de ces deux couleurs. Les nuances brunes peuvent être ambrée, bronze, cuivrée, rouquine ;
— le rouge se retrouve surtout dans les bières aromatisées au bleuet, à la cerise, à la framboise, au cassis, etc. Cette couleur est aussi un reflet particulier dans les bières de couleur brune ;
— le noir des stouts peut être couleur café, ébène.
Visuel haut de page : Différentes couleurs de malt – © borzywoj/Adobe Stock
Source : Toutes les bières moussent-elles ? de Jean-Paul Hébert et Dany Griffon, paru aux éditions Quæ