La déforestation a de multiples conséquences à la fois au niveau local, régional et planétaire. Parmi elles, la perte de la biodiversité animale, végétale et microbienne, et l’influence sur les maladies infectieuses émergentes.
Perte de la biodiversité animale, végétale et microbienne
Depuis le développement des activités humaines et en raison des modifications de milieu qui en ont résulté, et en particulier la réduction de la couverture forestière, la disparition des espèces s’est accélérée. Selon Barnosky et al. (2011), la perte récente d’espèces est grave, mais ne peut pas être qualifiée d’extinction massive au sens paléontologique, comme les cinq grandes extinctions de masse qui se sont produites au cours des 540 derniers millions d’années. Depuis le développement des communautés humaines, nous n’avons en fait perdu que quelques pourcents des espèces connues, bien que nous n’ayons aucun moyen de savoir combien d’espèces inconnues ont disparu. Plus que la perte d’espèces, c’est la réduction drastique du nombre d’individus par espèces ou du nombre de populations à l’intérieur de chaque espèce qui est inquiétante. Il reste encore une très grande partie de la biodiversité mondiale, mais pour la préserver, il faudrait supprimer les menaces qui pèsent, dont la déforestation ou la fragmentation des massifs forestiers.
S’il est très difficile de comparer les données fossiles et les données modernes, on trouve des indications qui montrent, que, si, la perte d’espèces observée récemment s’aggravait dans le futur, le monde entrerait dans une période d’extinction alarmante. Si nous voulons éviter cela, il est donc urgent de faire baisser la pression que l’homme fait peser sur les différents écosystèmes, en particulier par la déforestation.
Influence sur les maladies infectieuses émergentes
Les forêts hébergent une biodiversité animale considérable. Un équilibre s’établit entre les diverses communautés animales et en particulier entre herbivores et carnivores. De même, un équilibre s’établit entre ces animaux et les pathogènes qui les affectent (protozoaires, bactéries et virus). En effet, les animaux les plus sensibles parce que non suffisamment pourvus d’immunité innée sont éliminés par sélection naturelle et, inversement, les pathogènes les plus agressifs s’autodétruisent en tuant leurs hôtes. Chaque espèce, hôte, vecteur ou pathogène occupe une niche écologique particulière dans un contexte d’équilibre général. Les chasseurs-cueilleurs du Néolithique, peu nombreux et vivant dispersés, en petits groupes, faisaient partie intégrante de cet équilibre. Ils avaient en outre acquis des connaissances sur la dangerosité de certains comportements ou de certains milieux.
Toutes modifications de l’environnement, qu’elles soient naturelles ou non, modifient l’équilibre et le contexte écologique dans lesquels les hôtes, les vecteurs et les parasites se reproduisent, se développent et transmettent les maladies. La naissance de l’agriculture a bouleversé cet équilibre en favorisant la promiscuité entre les hommes eux-mêmes et entre les hommes et les animaux. La plupart des parasites animaux présentent trois cycles de vie distincts : sylvestre, zoonotique et anthroponotique. En s’adaptant à ce bouleversement provoqué par l’agriculture, y compris à la réduction de la biodiversité, les pathogènes ou leurs vecteurs passent d’une orientation principalement animale à une orientation principalement humaine. Le remplacement des forêts par des cultures et l’élevage d’animaux ont créé de nouvelles niches favorables aux parasites et à leurs vecteurs. Les premières grandes épidémies comme la variole seraient nées dans des zones tropicales asiatiques après déforestation, au début de l’élevage. Selon plusieurs auteurs, en raison de la déforestation et de la fragmentation des massifs forestiers en région tropicale, la promiscuité devient de plus en plus grande entre animaux d’origine forestière et populations humaines. L’origine de plusieurs maladies infectieuses récentes serait liée à ce phénomène (Wolfe et al., 2005 ; Wilcox et Ellis, 2006 ; Guégan et al., 2020). Ces maladies gagnent ensuite une partie ou la totalité du monde. Depuis un siècle en effet, les changements dans l’utilisation des terres, l’édification de villes et de mégapoles, la promiscuité, le développement commercial, la construction de routes, l’augmentation des déplacements par avion ou par d’autres moyens, le tourisme de masse et les changements climatiques, pris séparément ou combinés, s’accompagnent d’une augmentation de l’incidence des maladies émergentes.
Source : La déforestation de François Le Tacon, paru aux éditions Quæ