Processus biologique complexe, le vieillissement met en jeu un ensemble de phénomènes qui affectent l’organisme. Parmi eux, l’altération des sens : la vue, l’ouïe, le goût, entre autres, sont progressivement mis en déroute. A quoi chacun peut-il s’attendre ? A quel moment ? Quelles précautions prendre ?
Vivre sans lunettes : mission impossible
La presbytie est le principal problème associé au vieillissement des yeux. Concrètement, comment se traduit-elle ? L’œil perd sa capacité d’accommodation et la lecture devient donc de plus en plus difficile : la distance confortable va passer à 60 cm, puis 80 cm, puis un mètre ! Problème : les bras ne s’allongent pas pour autant…
Cette presbytie peut survenir plus ou moins tôt selon les individus. Elle s’installe progressivement entre 40 et 60 ans et oblige tout un chacun à porter des lunettes pour voir de près. Nous ne sommes pas tous égaux face à elle. Si vous êtes hypermétrope et que vous voyez très loin, vous risquez d’être presbyte assez tôt. En revanche, les personnes souffrant de myopie ont un avantage : celui de conserver plus longtemps une bonne vision de près. Certes, elles verront toujours aussi mal de loin mais elles parviendront à lire de près sans lunettes. D’où l’intérêt de s’équiper en lunettes à double foyer : verre habituel pour voir de loin et, dans la partie inférieure du verre, une lentille différente pour lire.
Autre impact des années qui passent sur nos yeux, avec l’âge, le temps d’adaptation à l’obscurité s’allonge. Il est multiplié par trois entre 20 et 80 ans. D’où la difficulté de
conduire la nuit.
Par ailleurs, le risque de survenue de la cataracte augmente aussi. Ce problème apparaît en moyenne entre 65 et 75 ans, voire plus tôt chez les personnes concernées par une forte myopie ou souffrant d’une maladie systémique comme le diabète. Se manifestant au départ par une sensation d’éblouissement, la cataracte est provoquée par l’opacification progressive du cristallin, sorte de lentille convexe située dans le globe oculaire, qui permet à l’œil de passer de la vision de loin à la vision de près.
Idem pour le glaucome, qui peut apparaître à n’importe quel âge mais dont la survenue augmente après 70 ans, la pathologie touchant alors environ 10 % de la population. Le glaucome se manifeste par une réduction du champ visuel, qui s’explique par une augmentation de la pression dans l’œil. C’est une maladie sournoise qui peut rester asymptomatique pendant plusieurs années.
En raison de l’ensemble de ces problèmes de vision dont la fréquence augmente avec l’âge, il est indispensable de faire vérifier sa vue à partir de 45 ans, un bilan
ophtalmologique annuel étant ensuite recommandé.
L’audition nous joue des tours
Parmi les modifications qui nous attendent tous, à un âge variable, la perte d’audition nous préoccupe beaucoup. À juste titre. Car moins bien entendre, notamment nos proches lorsqu’ils engagent la conversation avec nous, nous isole. Cette baisse de l’audition, nommée presbyaccousie, débute en général entre 50 et 60 ans : 40 % des personnes de plus de 60 ans déclarent une gêne auditive qui, à partir de 70 ans, peut devenir un véritable handicap. À quoi cette presbyaccousie est-elle due ? Au vieillissement de l’oreille interne, en raison d’une diminution du nombre des cellules du nerf auditif. Les sons aigus
deviennent alors plus difficiles à percevoir que les sons graves.
L’utilisation d’un appareil auditif, qui rebute la plupart d’entre nous, est indispensable en cas de diminution de l’audition. Elle est même préconisée le plus tôt possible pour limiter la progression du handicap. Il faudrait d’ailleurs agir en prévention tout au long de la vie. Les cils vibratiles dans l’oreille sont en effet très sensibles au bruit et au stress oxydant. Ils peuvent ainsi être détruits lorsqu’on écoute de la musique trop fort avec un casque, comportement malheureusement très fréquent à l’adolescence.
L’étude épidémiologique Paquid conduite par l’Inserm Bordeaux a abouti en 2015 à la conclusion suivante : le déclin cognitif qui accompagne très souvent la baisse de l’audition (notamment en raison de l’isolement qui en découle) ne se manifeste pas chez les personnes appareillées. C’est pourquoi il est indispensable de faire vérifier son audition aux alentours de 55 ans. Mais voici déjà deux questions simples pour évaluer si votre audition a baissé :
– lorsque vous êtes au restaurant et qu’il y a un important bruit de fond autour de vous, est-ce que vous entendez quand même la personne qui parle en face de vous ?
– faites-vous parfois répéter ce que l’on vous dit ?
De la perte du goût au dégoût
En vieillissant, il est courant de trouver la nourriture plus fade et moins appétissante. Si nos papilles gustatives sont bien opérationnelles jusqu’à 75-80 ans en règle générale, la perception des saveurs s’atténue par la suite. Pour quelles raisons ? La principale est que le nombre de bourgeons du goût diminue avec la sénescence. Entre 8 000 et 10 000 bourgeons gustatifs tapissent notre langue mais aussi les muqueuses de la bouche (épiglotte, pharynx et palais). Ces cellules microscopiques enfouies dans nos papilles contiennent des récepteurs qui envoient au système nerveux central des signaux correspondant aux caractéristiques gustatives des aliments que nous ingérons. Certains de ces récepteurs détectent des molécules qui suscitent un goût sucré ; d’autres sont plus particulièrement activés par un goût amer ; d’autres encore par le salé. Passé 75 ans, on constate une élévation du seuil de détection des saveurs salées et sucrées. Ceci donne une impression de fadeur aux aliments.
De plus, ces bourgeons du goût sont très fragiles : ils se renouvellent automatiquement tous les 10 à 15 jours, en fonction la variété de ce que nous mangeons. Leur pire
ennemi est donc la monotonie alimentaire ! Autres ennemis bien identifiés de nos papilles : le tabac, qui entraîne souvent une diminution de l’odorat et du goût ; la perte de salive qui est l’une des manifestations de l’avancée en âge (parce que l’on boit moins, mais le problème est aussi renforcé éventuellement par la prise de certains médicaments) ; et certains problèmes psychologiques (troubles dépressifs notamment), qui font qu’en perdant le moral, il est très courant de perdre aussi le goût pour la nourriture.
Source : Vivons plus vieux en bonne santé de Sophie Cousin et Véronique Coxam, paru aux éditions Quæ