L’histoire du papillon vitrail commence au XIXe siècle en Espagne. C’est aujourd’hui une espèce protégée.
Si vous passez à Digne cette année ou dans les environs pour chasser ce fameux papillon, attention car depuis quelque temps, les gens qui repèrent un piège lumineux la nuit sont prêts à crever les pneus de votre voiture !
Pourquoi ? Parce qu’ils sont persuadés que vous recherchez un papillon qui vaut des millions et, ne sachant pas le reconnaître, en déduisent que vous n’êtes qu’un marchand venu ici pour les spolier…
Ce sont des propos qui ont circulé localement, avant que le premier papillon – Actias isabellae Graëlls – ne soit protégé en France dans les années 1970.
À cette époque déjà lointaine, cette magnifique espèce nocturne était rare dans les collections et peu se targuaient de l’avoir capturée (ce qu’aujourd’hui la loi interdit). Et c’est sans doute le spécialiste français de ce papillon le plus éminent qui, à l’époque, a contribué à sa protection… il est vrai, après en avoir entassé des centaines dans sa propre collection !
L’histoire de la belle Isabelle (ou papillon-vitrail) commence en fait en 1839, lorsque Juan Mieg – qui, dans un document manuscrit, la nomme alors « Bombyx luna », en raison de ses ocelles vitreux – la découvre fortuitement en Espagne dans une forêt de résineux près de San Ildefonso. Il faudra attendre dix années de plus, avant que Mariano de La Paz Graells ne la décrive dans la Sierra de Guadarrama, après l’avoir recherchée longuement, la dédiant à l’infante Isabel (d’où le nom d’Isabelina donné à l’espèce en Espagne). Initialement classé dans le genre Bombyx, ce papillon a par la suite été rangé dans le genre Graellsia Grote, ce qui semblait logique, car dédié au découvreur de l’espèce. Mais désormais, la génétique (et des hybrides réussis entre diverses espèces) a révélé que ce papillon n’est qu’un vestige isolé en Europe d’un vaste genre oriental et holarctique, Actias Leach (papillons-lunes).
Le roman de l’isabelle repart de plus belle en 1922, après que le docteur Hubert Cleu l’ait découverte en France à La Bessée sur Durance (Hautes- Alpes), et que Charles Oberthür ait illico décrit cette population locale sous la forme d’une nouvelle sous-espèce : galliaegloria ! Cette « gloire » de nos ancêtres a, à l’époque, déclenché un véritable tollé, l’«affaire Dreyfus» de l’entomologie. Les spécialistes se partageaient en effet également entre fervents partisans de la sous-espèce française et farouches détracteurs qui estimaient que le papillon avait été importé d’Espagne et n’avait rien à faire sur nos terres…
La querelle s’est progressivement éteinte, tandis que la Seconde Guerre mondiale menaçait et qu’il s’avérait que le papillon prospérait naturellement dans les Alpes.
Depuis, plusieurs sous-espèces (peu caractéristiques) ont été décrites en Espagne, et on sait par ailleurs qu’en France l’isabelle remonte jusque dans l’Ain, atteint aussi les Pyrénées, et qu’elle a signalée au Val d’Aoste en Italie et dans le Valais en Suisse.
Finalement, ce splendide papillon dont la jolie chenille vit sur le pin (Pinus sylvestris, P. mugho ssp. uncinata, P. nigra ssp. laricio), et qui vole de mars à juillet (selon les localités) entre 1 000 et 1 800 m d’altitude, n’est ni rare ni vraiment menacé, mais toute sa valeur réside dans sa beauté naturelle…
Source: Les insectes. Histoires insolites de Patrice Leraut, paru aux éditions Quæ
Cet article nous apprend l’histoire du papillon vitrail. Mais saviez-vous que les papillons possédaient des tympans « antichauve-souris » ?
Crédit photographique : © Adam J Skowronski/Flick’r
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