En ville, la nature est visible grâce à de nombreux arbres, des herbes folles, quelques oiseaux… Mais aussi beaucoup d’insectes ! À la fois petites bêtes à sauvegarder et nuisances parfois difficiles à supporter, les insectes urbains sont partout et également là où on ne les attend pas…
Un cortège de petits insectes s’attaque à notre patrimoine culturel : tapis, tissus en laine, fourrures, cuir, objets en plumes ou en os, collections d’animaux naturalisés ou d’insectes, ils n’épargnent rien. Anthrènes, dermestes, mites et teignes entrent dans cette catégorie. Leur action est d’autant plus néfaste que les attaques ne sont pas toujours visibles et que leur taille petite ou minuscule les fait souvent passer inaperçus. Toutes les institutions muséographiques sont touchées à des degrés divers. La multiplication des grandes expositions tournantes, des prêts d’œuvres entre musées aggrave la situation en favorisant la dissémination des insectes.
L’exemple du musée de Grenoble est édifiant. Installé en 1994 dans un nouveau bâtiment de 17 000 m2, il a dû faire face au début des années 2000 à une infestation d’insectes. Des lyctes, petits Coléoptères de quelques millimètres de long dont la larve mange le bois, ont été trouvés dans la collection des antiquités égyptiennes. Ils s’attaquaient aussi bien aux objets exposés qu’au bois des vitrines qui les abritaient. Puis des orifices d’envol apparurent sur un tableau du xve siècle peint sur bois. Le contrôle des réserves entrepris à la suite de ces deux alertes évéla une infestation inquiétante.
L’importance et la valeur du fonds, constitué notamment par la plus riche collection publique française d’art moderne et contemporain après celle de Beaubourg, mais aussi par des tableaux plus anciens de Rubens, Fantin-Latour ou Delacroix, provoquèrent une réaction vigoureuse à la mesure du péril. Pour supprimer les insectes sans abîmer des œuvres souvent fragiles, la technique de l’anoxie, c’est-à-dire de la suppression de l’oxygène, fut choisie. Elle permet en effet d’agir sur tous les stades de développement, de l’œuf à l’adulte, sans provoquer de réactions chimiques.
Les objets à traiter sont mis dans une enveloppe étanche et laissés 20 jours dans une atmosphère à moins de 0,1 % d’oxygène. En quelques mois, 4 000 œuvres, dont 2 000 tableaux, 400 dessins encadrés et plus d’un millier de sculptures et autres objets, ont été traités avec succès. Mais la vigilance doit être sans faille et la lutte est sans fin. Car la destruction des insectes ne fait que remettre les compteurs à zéro. La surveillance est permanente, les collections restant sous la menace d’une nouvelle infestation.
Visuel haut de page : Une boîte de collection de papillons détruite par les anthrènes et confinée sous film plastique pour éviter la contagion. – ©Vincent Albouy
Source : Des insectes en ville de Vincent Albouy, paru aux éditions Quæ