Appréciées pour leur chair et leur goût particulier, les palourdes se pêchent depuis des milliers d’années sur nos côtes françaises. Où les trouve-t-on ? Comment les ramasse-t-on ? La pêche aux palourdes est-elle soumise à une règlementation ? Le point sur ces interrogations dans cet article.
Les palourdes se pêchent à l’état sauvage sur les estrans français de la Manche et de l’Atlantique. Trois espèces se côtoient sur ces estrans, deux espèces autochtones : la palourde européenne ou palourde croisée (Ruditapes decussatus), la palourde bleue ou palourde poulette (Venerupis pullastra) et la palourde japonaise (Ruditapes philippinarum) introduite depuis 1972. Cette dernière est originaire de l’océan Pacifique. La palourde européenne est présente naturellement en mer du Nord, en Manche, en Atlantique Est jusqu’au Congo ainsi qu’en Méditerranée. Celle-ci a toujours eu une chair très appréciée et une valeur marchande assez élevée à l’inverse de la palourde bleue. La présence de la palourde européenne dans des dépotoirs alimentaires montre qu’elle était déjà ramassée au Mésolithique et au Néolithique. Grâce à l’archéologie et aux représentations sur des mosaïques, on sait aujourd’hui que les Gallo-Romains la consommaient également.
Les différentes espèces
La palourde bleue vit enfouie dans les fonds de sable, graviers et boue vaseuse. On la trouve le long des côtes, au niveau des basses mers de moyenne marée jusqu’à une profondeur de 35 à 40 m. La palourde européenne vit dans des sables variables : sablo-vaseux à sables à graviers avec une préférence pour le sable. Quant à la palourde japonaise, elle supporte des substrats très variables : sableux, vaseux et sablo-vaseux. Ces trois palourdes sont des espèces fouisseuses. L’habitat de la palourde européenne et de la japonaise se situe généralement dans des baies abritées (golfes, lagunes, estuaires) où elles occupent la frange médiolittorale.
En 1972, la palourde japonaise, ayant une croissance plus rapide, a été introduite par la Satmar (Société atlantique de mariculture) à des fins conchylicoles. Elle s’est très bien acclimatée aux conditions tempérées rencontrées sur nos côtes. Dès la fin des années 1980, des gisements naturels, uniquement constitués de palourdes japonaises, se sont développés à partir de larves, issues des entreprises vénéricoles, qui se sont dispersées dans le milieu. Ainsi, les populations sauvages de palourde japonaise, issues de cette vénériculture, sont devenues très importantes dans de nombreux endroits : en rade de Brest, dans le golfe du Morbihan, dans les traicts du Croisic, autour de Noirmoutier et dans le bassin d’Arcachon. Le ramassage de Ruditapes philippinarum est alors devenu plus rentable que son élevage. Elle est maintenant la variété largement dominante dans les paniers des pêcheurs à pied.
Réglementation de la pêche des palourdes
La réglementation de la pêche à pied des palourdes est définie par les Directions interrégionales de la mer. Cette réglementation est spécifique, tant pour la pêche professionnelle que la pêche de loisir et peut donc varier d’une région à l’autre. Selon la région, cette réglementation fixe la taille minimale, les quantités récoltées, les conditions d’emploi des engins de pêche, les modes et procédés ainsi que les zones, les périodes, les interdictions et les arrêtés de pêche. Seule, la taille réglementaire minimale de capture est définie au niveau national. Le décret du 26 octobre 2012 a rehaussé la taille de la palourde japonaise à 4 cm (mesure dans la plus grande longueur). Sa taille commerciale était auparavant fixée à 3,5 cm alors que celle de la palourde européenne était de 4 cm. Les deux espèces disposent à présent de la même réglementation.
En dehors de la récolte à la main, de nombreux pêcheurs se munissent d’un outil pour pouvoir pêcher plus facilement. Selon les réglementations régionales établies, on peut utiliser les mêmes outils que pour la pêche aux coques, à savoir une grapette ou une griffe à trois dents sur un manche d’une longueur inférieure à 80 cm et, à l’exception de la Vendée, un râteau non grillagé sur un manche de 80 cm maximum. L’outil le plus conseillé est un couteau pêche-palourde doté d’un manche de 30 cm maximum.
Visuels : ©Gérard Deschamps
Dans de nombreuses régions et dans le cadre d’une gestion durable des stocks, un quota par pêcheur plaisancier et par sortie journalière est fixé. Il est variable selon les départements, voire les gisements. Selon les Comités régionaux ou locaux des pêches, les pêcheurs professionnels à pied, possédant une licence appropriée et des timbres relatifs aux gisements, sont astreints ou non à un quota par personne et par marée.
Tous les pêcheurs à pied sont équipés d’un matériel adéquat. Ils portent des vêtements chauds pour lutter contre le froid et sont équipés de Waders ou chaussés de bottes ou bottes-cuissardes. Pour se déplacer sur les vasières, ils sont munis de patins à vase, attachés aux pieds et faits avec des planches de bois ou de plaques d’aluminium qui sont appelés « sabots-planches » dans le golfe du Morbihan et « mastouns » dans le bassin d’Arcachon. La technique de pêche employée est la pêche au trou : une fois localisées, les palourdes sont extraites à la main ou avec un couteau à palourdes puis sont placées dans des mannes-paniers. Celles-ci, en plastique ajouré, sont le plus souvent posées sur une sorte de luge traînée par le pêcheur sur la vasière. Cette luge est faite d’une sorte de grande cuvette aux rebords peu élevés, ou avec une planche de bodyboard ou à voile, coupée et aménagée.
La pêche à pied des palourdes européennes et japonaises, effectuée par des pêcheurs plaisanciers et professionnels, est pratiquée tout au long des côtes de la Manche et de l’Atlantique, et en Méditerranée sur le littoral de la Camargue et dans les étangs littoraux. Cependant, les principaux gisements classés de palourdes japonaises sont situés dans le golfe du Morbihan et dans le bassin d’Arcachon et sont surtout exploités par des pêcheurs professionnels (Morbihan : 170, Arcachon : 140). Dans chacune de ces deux baies, la quantité récoltée est d’environ 500 t.
La première exploitation de culture de palourdes (Ruditapes decussatus) remonte à 1877. En 1906, dans le traict du Croisic, plusieurs parcs d’élevage de palourdes sont signalés, dont l’un de plus d’un hectare. L’un des propriétaires est l’ostréiculteur arcachonnais, Urbain Dignac. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses exploitations vont élever les palourdes en parcs, à Plougastel-Daoulas au fond de la rade de Brest, à l’île Tudy près de l’embouchure de l’Odet, à Riantec non loin de Lorient, et dans la baie de Bourgneuf. Les éleveurs achètent de jeunes palourdes qu’ils font croître et de nombreux ramasseurs, depuis l’Île-Grande près de Lannion (Côtes-d’Armor) jusqu’à La Rochelle et l’île de Ré, leur expédient leurs plus petites palourdes, gardant les grosses pour la vente
sur les marchés locaux.
Ayant une croissance rapide, la palourde japonaise (Ruditapes philippinarum) a été introduite en France en 1972 pour l’aquaculture. La biologie de ce bivalve a permis de favoriser la maîtrise des techniques d’écloserie et de nurserie intensive et, depuis 1980, de pouvoir l’élever sur l’estran de façon extensive, contrôlée et rentable. Selon la capacité de charge de l’environnement, les palourdes âgées de 2 à 3 ans, atteignent 40 mm et sont récoltées à l’aide d’une machine spéciale, une récolteuse fonctionnant sur chenille ou tirée par un tracteur.
Visuel haut de page : Pêcheur traînant une moitié de planche de surf aménagée pour transporter des mannes chargées de palourdes – ©Gérard Deschamps
Source : La pêche à pied de Gérard Deschamps, paru aux éditions Quæ