La science, la seule vision valable du monde ?

Selon certains, la science serait la réponse à tout. Il ne faudrait voir le monde que par des explications et un raisonnement rationnel et rigoureux, incluant un certain savoir qui appartiendrait uniquement aux chercheurs. Mais qu’est ce qui rend le point de vue scientifique plus crédible qu’un autre ?

De manière simplifiée, la science consiste à tenter de comprendre le monde qui nous entoure, notre civilisation et celles qui l’ont précédée, et à essayer de construire ensemble le monde de demain. On y associe souvent les mots : logique, raison, méthode, connaissance. Et le scientifique aurait donc une vision du monde plutôt rigoureuse, cartésienne, droite. À noter que le terme « science » n’a pas toujours couvert la même idée qu’aujourd’hui : quelques spécificités et contradictions du concept et du terme « science » ont été décortiquées par Jean-Marc Lévy-Leblond, qui s’est amusé à chercher les origines du mot dans plusieurs langues, du basque à l’allemand en passant par la langue des signes (Lévy-Leblond, 2006). Cette enquête laisse apparaître les notions d’apprentissage, de connaissance, d’enseignement ou encore de vérité universelle. Des nuances qui amènent chacun d’entre nous à s’interroger sur ce qu’on entend par « science », ce mot qu’on nous répète depuis l’école primaire.

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Cette même science ne permet certainement pas de répondre à toutes les questions que l’on se pose. À un temps donné, certains phénomènes et certains comportements n’ont pas d’explication purement scientifique. Par exemple, il n’existe aujourd’hui pas de manière expérimentale et objective de répondre à une interrogation telle que : « Sommes-nous seuls dans l’univers ? » Ce qui ne veut pas dire que cette question quasi philosophique n’aura jamais de réponse scientifique. Il semble pertinent d’admettre que la science nous apporte un regard sur le monde, à travers un prisme particulier, complétant probablement d’autres visions qui sont aussi différentes qu’indispensables. […]

Sans entrer dans des débats complexes de philosophie des sciences, il convient ainsi d’attirer l’attention de certains scientifiques qui souhaiteraient absolument convaincre le tout public que seule leur vision scientifique du monde serait valable.

On sait de toute façon que chercher à convaincre à tout prix qu’une croyance est erronée ne fonctionne pas. « Corriger les erreurs factuelles liées aux croyances d’une personne n’est pas seulement inefficace, mais cela renforce ses croyances erronées, car “cela menace sa vision du monde ou l’idée qu’elle se fait d’elle-même” », explique Michael Shermer (2017) dans un récent article de Pour la science. L’une des réponses efficaces pourrait consister, selon l’auteur, à « mettre ses émotions de côté, […] écouter attentivement […], montrer du respect, […] essayer de montrer comment changer de vision des faits n’implique pas nécessairement de changer de vision du monde ». Un travail de fond, qui nécessite minutie et patience. Face à des gens pleinement convaincus, l’affront ne sera pas très constructif ! Considérer avec condescendance ceux que la philosophie ou les religions aident à comprendre le monde ne sera pas d’une grande utilité pour nourrir le débat. Quelques lectures en épistémologie et en philosophie des sciences, un minimum de conscience politique et morale, de l’humilité ; voilà peut-être quelques ingrédients à avoir dans sa besace quand on pratique la médiation scientifique et plus généralement quand on fait de la science.

Source : En finir avec les idées reçues sur la vulgarisation scientifique de Nicolas Beck (préface de Mathieu Vidard), paru aux éditions Quæ

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