De nombreux oiseaux et mammifères apprennent de leurs parents certaines techniques par l’observation et l’imitation. De l’analyse de la nage et de la recherche de nourriture de leurs parents à l’initiation sexuelle : deux exemples d’apprentissage par imitation.
Dans les jupes de leur mère
L’apprentissage par imitation est très important chez les grands mammifères, où les jeunes suivent leur mère pendant une période relativement longue et ne la quittent pas au bout de quelques jours ou semaines, comme c’est le cas chez de nombreuses petites espèces. La première fois qu’ils vont dans l’eau, les jeunes phoques et otaries se montrent maladroits et s’accrochent souvent à leur mère entre deux exercices de nage, mais on ne peut pas dire qu’elle leur donne une leçon de natation. Ils apprennent tout seuls, à la suite de nombreux essais et en imitant les adultes.
Même chez les insectivores, le plus primitif des ordres de mammifères placentaires, des soins parentaux s’observent après le sevrage des jeunes et avant leur émancipation définitive. Le hérisson conduisant sa nichée à la recherche de nourriture quand la nuit tombe est un exemple familier à la campagne. On connaît moins l’habitude des jeunes musaraignes de se suivre à la queue leu leu. La mère qui sort pour manger est accompagnée par ses petits, chacun tenant entre ses dents la queue de celui qui le précède, le premier s’accrochant à la queue de sa mère. Sûre de ne perdre aucun de ses rejetons en chemin, la femelle peut les conduire sur ses lieux de chasse favoris où ils pourront apprendre, en l’observant, comment dénicher insectes, larves et vers.
Bien que se nourrissant à la mamelle encore plusieurs fois par jour, le jeune singe arrivé à l’âge du sevrage observe sa mère en train de manger avec un intérêt croissant. Tôt ou tard, il commence à dérober dans sa main des morceaux de nourriture pour les manger lui-même. Il apprend ainsi le goût de ses futurs aliments avant que toutes ses dents de lait ne soient sorties. De la même manière, la femelle de grizzly en Alaska emmène ses oursons avec elle quand elle part attraper des saumons en migration. En la voyant pratiquer, ils pourront plus tard renouveler ses gestes quand ils auront besoin eux-mêmes de pêcher.
Éducation sexuelle et maternelle
A priori, les comportements sexuels sont innés. Même si les animaux qui entreprennent de s’accoupler pour la première fois se montrent souvent maladroits, ils arrivent assez vite à se perfectionner par l’expérience. Pourtant, chez les singes, une véritable initiation sexuelle est nécessaire. Les mâles « naïfs », pour reprendre la terminologie scientifique, peuvent se montrer si maladroits qu’ils n’arrivent pas à s’accoupler avec succès. Cette initiation se fait le plus souvent au cours des nombreux jeux à caractère sexuel ou non que le jeune effectue avec les congénères de son âge, qui permettent l’« apprentissage du corps ». Mais chez quelques espèces, cet apprentissage se fait grâce aux adultes. Les vieilles femelles de chimpanzé par exemple, aident les jeunes mâles inexpérimentés qui se montrent particulièrement maladroits en les guidant lors de leurs premiers rapports sexuels.
Chez de nombreuses espèces de singe, le mâle monte sur la femelle par l’arrière et en s’agrippant à son dos pour s’accoupler. La plupart du temps, les pieds du mâle restent au sol. Chez le macaque rhésus, il doit agripper les chevilles de la femelle avec ses pieds pour se rehausser suffisamment. Sans cela, l’accouplement est impossible, l’orifice génital de la femelle étant trop haut. Des expériences faites avec des individus isolés des autres membres de leur espèce dès leur bas âge ont montré que faute d’avoir pu voir et imiter leurs aînés, ils sont incapables de s’accoupler correctement.
Chez les primates, la maternité s’apprend aussi des femelles plus âgées. Le dévouement à leur jeune des mères qui ont accumulé beaucoup d’expérience en élevant les enfants précédents est réellement exemplaire. Le fait que ces soins sont couronnés de succès s’explique en partie par les occasions qu’ont eues certaines mères d’en observer d’autres à l’intérieur du groupe. Cela a été démontré en captivité. Celles maintenues en isolement total manifestent un comportement maternel inefficace, allant de l’ignorance complète à la mise à mort du nouveau-né.
Visuel haut de page : Le dos de Papa, un endroit parfait pour apprendre à plonger et pêcher comme lui pour ce poussin de grèbe huppé. – © Brambilla Simone – Adobe Stock
Source : L’art d’être parent chez les animaux de Vincent Albouy, paru aux éditions Quæ