Microbes : des alliés de taille pour la police scientifique ?

Dans ce récit, le personnage fictif d’Antoine, chimiste, nous fait découvrir les avancées bien réelles des connaissances en microbiologie qui pourraient révolutionner le travail de la police scientifique.

Antoine est chimiste et suit actuellement une formation en microbiologie. Car il sent que la police scientifique va se servir des microbes à l’avenir. Des signatures autres que les empreintes digitales et l’ADN sont à l’étude pour retrouver les responsables d’actes malveillants. Certaines découlent des découvertes récentes sur nos mélanges microbiens (microbiotes) cutanés.

Nos microbes cutanés sont, avec notre génome, responsables de l’odeur dite « primaire » qui nous caractérise. Elle est partiellement masquée par les savons et autres produits cosmétiques, mais l’odeur secondaire alors dégagée est aussi une source non négligeable d’indices. Un coupable ne pourrait-il pas être démasqué par son odeur ? Les chiens savent suivre les odeurs. Les chimistes peuvent les analyser, au moins partiellement. Mais comment les récolter ? Une « éponge piège odeur », sélectionnée dans le cadre de l’appel à projets « attentats-recherche » du CNRS, est actuellement testée par des collègues militaires d’Antoine. Pour la fabriquer, des huiles végétales sont gélifiées en présence de cristaux de sucre, lesquels sont ensuite simplement dissous dans de l’eau. On obtient un « organogel » microporeux lipidique dans lequel les molécules odorantes, fixées, se solubilisent. Une « mini-éponge » de la taille d’une pièce de monnaie aurait ainsi, si on la déployait, une surface de contact et de capture aussi grande qu’un cours de tennis ! À quand l’utilisation de cette « éponge » ? Les chercheurs estiment que trois ans de mise au point sont encore nécessaires.

Le nuage de microbes émis dans l’air, différent d’une personne à l’autre, est déjà potentiellement une source d’indices : l’analyse par des techniques génétiques du nuage microbien laissé dans une chambre permet de remonter, en moins de quatre heures, jusqu’à l’occupant de cette chambre si elle est au départ… stérile. On est pour le moment loin d’identifier un suspect qui aurait transité sur le lieu d’un crime. Le nuage de microbes humains se mélange aux microbes environnementaux et disparaît avec le temps ; les technologies de demain permettront peut-être de l’exploiter davantage.

Utiliser l’« empreinte » des microbes de nos mains constitue sans doute une méthode plus prochainement applicable. On transporte tous de l’ordre de 107 bactéries par cm2 sur nos mains. Elles appartiennent à plus de 150 espèces différentes, dont moins de 15 % sont communes entre deux individus. Ces microbes se transfèrent aux surfaces touchées, où ils survivent plusieurs semaines. Partant de l’analyse de la flore bactérienne d’une souris d’ordinateur, des chercheurs américains sont remontés à la main qui l’avait déplacée, parmi plusieurs centaines d’autres. L’intérêt de cette méthode résiderait dans les « empreintes » microbiennes laissées sur des surfaces comme des tissus, qui ne révèlent habituellement pas les empreintes digitales.

Par ailleurs, l’utilisation d’empreintes, qu’elles soient digitales, microbiennes, ou génétiques, nécessite la constitution de bases de données stockant les informations. De tels fichiers posent donc notamment la question de la liberté individuelle. Affaire à suivre.

Les microbes pourraient également aider Antoine et ses collègues à dater les crimes. On a tous entendu parler de rigidité cadavérique. Peut-être connaissez-vous aussi l’entomologie médico-légale ? Cette science étudie les liens existant entre les insectes trouvés sur un cadavre et son état de décomposition. Dans le même esprit, pourquoi ne pas utiliser les microbes, toujours présents sur et dans l’homme, qu’il soit vivant ou mort ? C’est ce qu’a dû penser l’Institut national de la justice américaine qui, en 2014, a financé des études sur le comportement des bactéries dans un corps en décomposition. Le verdict est tombé : les microbes permettent une datation de l’heure de la mort aussi précise que celle résultant de l’entomologie, et moins dépendante de l’environnement. Que de possibilités ! Antoine n’a pas tort. Les microbes deviendront sûrement des aides-policiers.

Source: Que serions-nous sans eux ? Les microbes de notre quotidien de Murielle Naïtali, paru aux éditions Quæ

 

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