Les oiseaux, lorsqu’ils ont besoin de s’orienter sur une petite échelle, comme trouver de nouvelles ressources alimentaires puis retrouver leur point de départ, ou comme retrouver des caches de nourriture, exploitent leur mémoire spatiale.
L’oie et la charette
Les animaux exploitent diverses formes de perception spatiale selon les repères disponibles. Tous les animaux mobiles, y compris les invertébrés, sont capables de retrouver leur chemin de retour sans aucun repère grâce à un processus appelé « navigation à l’estime » ou « intégration du trajet ». Vous êtes-vous déjà perdu dans une ville inconnue où tous les bâtiments se ressemblent, tout en réussissant finalement à retrouver votre voiture sans savoir comment ? Vous avez expérimenté la navigation à l’estime. Des animaux, comme les fourmis en chasse dans un désert, prennent des chemins tortueux avant de trouver de la nourriture, puis semblent repartir en ligne beaucoup plus directe vers leur nid. En l’absence de points de repères, elles ont gardé en mémoire la moindre bifurcation et la distance parcourue jusqu’à leur objectif. Puis elles ont intégré cette information au meilleur vecteur qui les a dirigées vers leur point de départ (et tout cela sans penser). Des oies furent transportées dans une charrette de leur domicile jusqu’à un lieu A, inconnu. Puis, on couvrit la charrette et on les amena jusqu’à un lieu B, toujours inconnu. Lorsqu’on les lâcha, elles trottinèrent dans la direction dans laquelle se serait trouvé leur domicile si elles étaient restées dans le lieu A. On peut penser qu’elles avaient formé un vecteur du trajet menant au point A qu’elles avaient vu de leur véhicule, et sans prendre en compte les informations complémentaires qu’elles n’avaient pas pu voir de A à B. L’intégration du trajet serait, par conséquent, dépendante de la vision chez les oiseaux.
Se guider
De nombreux animaux, lorsqu’ils découvrent un nouvel environnement, en mémorisent les caractéristiques clés et leurs rapports entre eux, pour se construire une carte. Ces caractéristiques sont classées en signaux, des caractéristiques très visibles et proches (proximales), et en repères, des éléments plus gros et plus éloignés (distaux) de leur objectif, et l’ensemble compose une image de l’endroit où se trouve l’objectif. Des pépiements d’oisillons sont un exemple de signal pour un prédateur en chasse ou pour des parents cherchant à ramener de quoi nourrir leur nichée affamée. Un geai des chênes va cacher de la nourriture à distance égale d’un grand sapin, d’un gros massif de rochers et d’une haie, qui seront des repères dont la disposition l’aidera à localiser précisément sa cachette.
Il existe deux théories sur la manière dont les animaux utilisent des repères pour trouver ce qu’ils cherchent. Un point de repère ne suffit pas car il renseignera seulement sur la distance qui le sépare de l’objectif et non sur la direction dans laquelle se trouve celui-ci. Si on intègre deux repères ou plus, alors leur rapport avec l’objectif pourra être utilisé pour localiser plus précisément ce dernier. Selon le modèle de la somme vectorielle, l’angle entre deux points de repère fournit assez d’information pour localiser un objectif, mais chaque repère est utilisé à tour de rôle. Des pigeons furent entraînés à chercher de la nourriture placée à égale distance de deux points de repère. Puis l’on déplaça l’un de ces repères vers la gauche. Les pigeons calculèrent une distance moyenne en fonction de la nouvelle position, en se basant sur le repère qui avait bougé et sur celui qui était resté en place, avant d’aller y chercher la nourriture. Cela se recoupe avec une intégration du trajet, mais sans repères. Selon le modèle des positions multiples, c’est une méthode plus cognitive qui est suggérée, étant donné que l’objectif est trouvé en se basant sur un certain nombre de repères et les positions sont déterminées par rapport à eux. Plutôt que d’avoir à calculer un vecteur à partir de chaque repère pris à tout de rôle, des positions spécifiques prises entre les multiples repères considérés dans leur ensemble, peuvent localiser un objectif. Le complément de repères supplémentaires affinera au final la recherche. Le cassenoix d’Amérique, par exemple, semble utiliser plusieurs positions lorsqu’il se sert de repères pour localiser ses cachettes de nourriture.
Visuel haut de page : Le geai buissonnier vit dans tout l’Ouest des États-Unis, une région très chaude en été et très humide en hiver. Il lui faut pour cela disposer d’une mémoire extrêmement précise pour être en mesure de retrouver des baies et des insectes avant qu’ils n’aient pourri. – Shutterstock
Source : L’étonnante intelligence des oiseaux de Nathan Emery (Traduction de Mickaël Legrand), paru aux éditions Quæ