Les robots entrent peu à peu dans le monde des soins où ils sont mis à profit pour accompagner le personnel soigant et les patients.
Imaginez une patiente endormie dans un bloc opératoire. Évoquant une grosse pieuvre, un robot se penche alors au-dessus d’elle, avec ses quatre bras articulés. Au bout du premier bras, deux caméras filment la zone opératoire fournissant une vision 3D haute définition magnifiée pour le chirurgien. Le deuxième porte des ciseaux pour disséquer, le troisième une pince coagulatrice et le dernier un porte-aiguille… À l’autre bout du monde, le chirurgien s’installe devant une console de pilotage. Comme dans un jeu vidéo, il se place devant un écran, empoigne des joysticks et appuie sur des pédales… Les bras du robot se mettent en mouvement reproduisant ses gestes avec une totale précision, tout en réduisant ses éventuels micro-tremblements. L’opération commence… Cette scène n’est pas le fruit de l’imagination débridée d’un auteur de science-fiction. En 2001, un robot chirurgical de ce type nommé Zeus a été piloté depuis New York par un chirurgien pour ôter la vésicule biliaire d’une patiente hospitalisée à… Strasbourg !
Ces « robots » qui nous opèrent
Mais le terme de « robots » est peut-être un peu survendeur… Car on l’aura compris, ils ne sont pas autonomes, mais pilotables à distance pour opérer de façon plus confortable. Reste que le terme de « robot chirurgical » est déjà solidement ancré. Aujourd’hui, le robot chirurgical le plus en vogue dans les blocs opératoires est le Da Vinci. Ce robot américain équipe déjà plusieurs dizaines de cliniques et d’hôpitaux français. Il est principalement utilisé pour l’ablation de la prostate de patients atteints d’un cancer. Une zone particulièrement délicate à opérer car plusieurs organes et tissus sensibles se trouvent à proximité : nerfs et vaisseaux, sphincter urinaire, etc. Outre une fatigue réduite et davantage de gestes possibles pour le chirurgien, les avantages de ce type de robots sont multiples d’après ses promoteurs. Tout d’abord, la précision du geste chirurgical serait accrue avec un moindre risque de laisser un petit morceau de tumeur en place, mais aussi d’endommager ces zones sensibles entourant la prostate ; à la clef, un moindre risque de récidive cancéreuse, d’incontinence et de trouble de l’érection. Par ailleurs, avec ce Da Vinci, les durées d’hospitalisation seraient réduites, et la reprise d’activité plus rapide.
Mais le Da Vinci est loin d’être le seul robot chirurgical disponible sur le marché. Autre exemple emblématique : NeuroArm, un robot pour les opérations du cerveau demandant une extrême précision (par exemple retrait d’une tumeur cérébrale), utilisable sur des patients placés à l’intérieur d’appareils d’imagerie médicale par résonance magnétique (IRM). Il s’agit en fait d’un bras robotique aussi agile que la main du chirurgien, mais encore plus précis et exempt de tout tremblement. Ici aussi, le robot est manipulé à distance et permet au chirurgien de ressentir l’interface entre les instruments et les tissus pendant l’opération. Pour la petite histoire, NeuroArm est issu de recherches en robotique pour le domaine spatial. Encore une belle preuve de pluridisciplinarité !
Mais cette robotisation de la chirurgie pose aussi des questions. Tout d’abord, nombre d’hôpitaux ne peuvent par exemple pas s’offrir le Da Vinci. En effet, la société Intuitive Surgical le vend à un prix très élevé : jusqu’à deux millions d’euros, auxquels il faut rajouter près de 120 000 € par an pour son entretien et 150 € de consommables par opération ! Les instruments doivent être remplacés toutes les dix opérations car le robot ne démarrera pas la onzième intervention si les instruments ne sont pas neufs… or la moindre pince coûte 2 000 €. Un robot qui n’est donc pas accessible à toutes les bourses, laissant craindre à certains une médecine à deux vitesses. Une dépense importante qui pose aussi question alors que tant de restrictions budgétaires sont imposées au monde médical. À titre de comparaison, le Da Vinci équivaut à huit à dix années de salaire d’une dizaine d’infirmières… En outre, aucune étude sérieuse n’aurait encore permis de prouver la supériorité du Da Vinci par rapport à la technique classique.
Réconforter et apaiser les malades
Autre grande tendance de la robotique dans le domaine médical : réduire le stress des patients. Dans ce secteur, un des leaders du marché est la société Parorobots avec son désormais célèbre phoque peluche robotisé Paro, dont nous avons déjà parlé. Objectif : faire bénéficier aux patients des bienfaits thérapeutiques d’un contact avec des animaux (zoothérapie) dans des lieux où leur présence n’est pas possible : hôpitaux, cliniques, etc. Et les résultats sont palpables : baisse de la pression sanguine, du rythme cardiaque, de la tension musculaire, réduction du stress et de l’anxiété, prévention de la dépression, augmentation de la confiance et des interactions sociales, amélioration de la qualité de vie, etc. Bref, Paro semble offrir les divers bénéfices de la zoothérapie, sans ses inconvénients : anxiété due au risque de griffure ou morsure, allergies, hygiène, maltraitance éventuelle des animaux… Aux États-Unis, il possède une certification de l’Agence du médicament (FDA) en tant que « robot thérapeutique ».
Recouvert d’une fourrure bactéricide, ce « robotphoque » de 2,5 kg pour 57 cm est équipé de sept moteurs pour bouger la tête dans quatre directions, remuer la queue, mettre en mouvement ses deux nageoires latérales ou bien encore cligner des yeux. Il possède également une douzaine de capteurs : tactile, de lumière, de sons, de température et de positionnement. Les informations qu’ils enregistrent sont traitées par un logiciel lui permettant de percevoir les personnes qui l’entourent et son environnement, puis d’adapter en conséquence ses mouvements et son intonation. Objectif : fournir à chaque malade la meilleure stimulation cognitive possible. Avec le capteur de lumière, Paro peut distinguer jour et nuit. Il peut se sentir caressé grâce au un capteur tactile, ou retenu dans les bras par son capteur de posture. Il peut aussi reconnaître la direction de la voix et des mots tels que son nom, des mots de salutations et d’éloge grâce à son capteur audio.
Source : Le temps des robots est-il venu ? de Jean-Philippe Braly, avec Jean-Gabriel Ganascia, paru aux éditions Quæ